Le requin de Shinjuku (Shinjuku Zame) est le nouveau roman policier japonais des éditions
Atelier Akatombo, disponible demain 22 octobre. Écrit par
ŌSAWA Arimasa, il est sorti au Japon en 1990 et est le premier tome d'une saga de 12 romans. L'oeuvre a été
adaptée en film live en 1993 avec l'acteur
SANADA Hiroyuki, et en plusieurs séries de
1995 à
2002 avec
TACHI Hiroshi dans le rôle du policier
SAMEJIMA Takashi. Ces œuvres ne sont malheureusement pas arrivées en France.
Synopsis :
Tokyo, 1990. Le capitaine Samejima, en poste à la prévention des crimes dans le commissariat de Shinjuku, est un franc-tireur aux méthodes musclées. Same signifie requin, mais son surnom de Requin de Shinjuku n’est pas qu’une question de sémantique. Après des débuts fulgurants, ce talentueux policier a été ostracisé ; et pour cause, depuis le suicide d’un collègue, il détient des infos compromettantes susceptibles de secouer l’institution policière. Il a autant d’ennemis parmi ses pairs, lesquels refusent de travailler avec lui, que parmi les truands. Au point qu’il doit cacher sa liaison avec Shô, une jeune et intense chanteuse de rock, afin de la protéger.
Le fait que son chef, le capitaine Momoi, se comporte comme un mort-vivant depuis un drame personnel n’améliore en rien sa situation.
Samejima est sur la piste de Kizu, un armurier clandestin fournisseur des yakuzas, qui lui en veut à mort pour une arrestation précédente. Lorsque des gardiens de la paix sont abattus par un inconnu en plein cœur de Kabukichô, le quartier chaud de la capitale, la police s’interroge sur l’arme utilisée, une étrangeté et une prouesse technique. Samejima y voit la patte de Kizu. Pour autant, impossible qu’il soit le tireur. Bientôt, d’autres îlotiers sont assassinés, une évolution qui laisse craindre l’œuvre d’un tueur en série obsédé par la police. Samejima est alors sommé de se joindre au QG d’enquête. En dépit des pressions exercées par son meilleur ennemi, l’ambitieux commandant Kôda, Samejima est tenté de poursuivre sa chasse solitaire. Une dangereuse partie de dés. Pour lui et pour Shô.
À la différence des romans
Rouge est la nuit et
Cruel est le ciel déjà disponibles aux éditions
Atelier Akatombo, et que j'ai d'ailleurs chroniqués
ici et
là,
Le requin de Shinjuku nous fait suivre un policier solitaire travaillant en dehors de l'habituel fonctionnement collégial de la police japonaise.
Nous découvrons l'histoire de
Samejima, de son ascension dans la police, au sein de laquelle il était promis à une grande carrière, jusqu'à sa chute. Son vécu, association de droiture et de coups du sort, fait de lui un policier solitaire, surnommé "le requin" (
Same en japonais). Un être à part donc dans le monde très hiérarchisé de la police japonaise.
Par le biais de Ed, un fan de films policiers américains, l'auteur
ŌSAWA Arimasa fait un parallèle entre la vie du loup solitaire
Samejima au sein de la police, et de l'image qu'ont les gens du flic
hard boiled (par exemple, l'inspecteur Harry).
Alors qu'Ed, en bon fan, ne voit que le côté action et gloire du fait d'être un super-flic en dehors du système, le lecteur voit l'autre côté du miroir en suivant le quotidien de
Samejima, qui subit sa situation plus qu'autre chose : il doit faire face à l'animosité de ses collègues qui ne lui parlent même pas, se voit obligé de faire des planques seul (donc sans personne pour le relayer pour dormir ou manger)... Mais surtout, nous comprenons que c'est un personnage qui a ses failles : même s'il est charismatique et sûr de lui,
Samejima a des angoisses et des peurs.
Avez-vous déjà vu l'inspecteur Harry pleurer ?
Et pourtant, notre policer aura fort à faire puisqu'il devra jongler entre sa vie privée, qu'il partage avec la rockeuse Sho, et deux enquêtes. D'un côté,
Samejima traque un fabriquant d'armes à feu clandestines, qui fait un vrai travail d'orfèvre dans le domaine. Puisque ses armes sont vendues pour de très fortes sommes à des puissants clans yakuza, l'arrêter signifie également freiner leurs agissements. De l'autre côté, tous les policiers du secteur de Shinjuku sont en état d'alerte et travaillent en commun pour l'arrestation d'un tueur de policiers dans les rues du quartier.
Si l'enquête de
Samejima est assez classique et plutôt bien menée - enquête de voisinage, interrogatoires, filatures -, avec l'affaire du tueur de policiers, nous découvrons une face assez méconnue en Occident du Japon des années 90 : la chasse aux communistes ! En effet, il nous est expliqué que toute une aile de la police japonaise est dédiée à cette traque, pratiquant l'infiltration, le renseignement et la surveillance. De même, dès qu'un crime a lieu contre une figure de l'état, l'action d'un groupuscule communiste fait partie des premières suspicions, suivie par le règlement de compte d'un clan yakuza.
Si ce comportement peut paraître étrange voire futile de mon point de vue aussi éloigné physiquement que temporellement, peut-être était-ce un vrai problème de société à l'époque au Japon, j'avoue ne pas vraiment le savoir. Il n'en reste pas moins que c'est une capsule temporelle bien particulière qui s'avère être contenue dans ce roman.
Avec
Le requin de Shinjuku,
ŌSAWA Arimasa nous fait découvrir le personnage d'un policier solitaire très bien construit,
SAMEJIMA Takashi, qui nous est parfaitement présenté de sa réputation actuelle à celle qu'il avait à ses débuts. Nous apprenons à le connaître et l'apprécier à sa juste valeur : sensible et ouvert d'esprit tout en étant droit et honnête. Nous découvrons également une facette plus sombre du système policier japonais, toujours à la recherche de résultats et ne prenant pas la peine de s'attarder sur l'humain. Bien que le récit soit assez marqué dans son époque, les enquêtes n'en restent pas moins ancrées dans le réel et sont rondement menées. Et maintenant que les présentations sont faites, on n'espère qu'une chose : revoir
le requin de Shinjuku à l'oeuvre dans une nouvelle enquête !