Cruel est le Ciel est un roman policier de
HONDA Tetsuya, disponible en France aux éditions
Atelier Akatombo depuis février 2020. Il fait suite à
Rouge est la nuit, que nous avons chroniqué précédemment :
Rouge est la nuit, Strawberry night.
Synopsis :
Une main a été retrouvée dans un mini-van en bordure de rivière. L’unité de Reiko est mise sur l’affaire, mais celle-ci devra également travailler avec Kusaka, un autre inspecteur de sa section.
À noter qu’il ne me semble pas indispensable d’avoir lu Rouge est la nuit pour commencer Cruel est le Ciel. Certaines références vous échapperont mais les deux affaires ne sont pas liées et les protagonistes ne les mentionnent presque pas.
L'enquête s'avère bien plus retorse qu'en apparence, les policiers n'ayant retrouvé qu'une main coupée dans un van en bordure d'une rivière, sans la moindre trace du reste du corps. Chaque détail peut donc avoir son importance. Les lieutenants en charge,
HIMEKAWA Reiko et
KUSAKA Mamoru, ont des méthodes de travail diamétralement opposées : l’une fait confiance à son instinct et à ses capacités de déduction ; l’autre est méthodique et extrêmement pointilleux, il ne déduira jamais rien sans être convaincu du bien fondé de ce qu’il prétend. Voilà de quoi faire naître une certaine animosité entre eux.
Mais les lieutenants ne ménagent pas leurs efforts afin de trouver des pistes, malgré le peu d'éléments en leur possession. Le cheminement de cette enquête montre une nouvelle fois l'efficacité de la méthode policière japonaise, avec leur réunion collégiale quotidienne permettant à chacun d'exposer sa piste, ses trouvailles et ainsi permettre l'établissement d'un portrait global de l'enquête.
Kusaka nous est présenté comme un maniaque de la précision, ne laissant échapper aucun élément. Je m'attendais à tomber sur quelques passages indigestes, mais il n'en est rien ! L'auteur
HONDA Tetsuya a un vrai talent pour l'écriture des dialogues. Ils sont bien rythmés, précis et fluides. Les interrogatoires de
Kusaka sont pour ainsi dire les meilleurs passages du roman. Il en est de même pour sa psychologie : l'image de maniaque du détail, que nous assimilons à un robot, nous a été induite par les dires des autres personnages. Alors qu'au fil des chapitres et de l'enquête, nous comprenons que tout ceci n'est qu'une façade et notre sympathie pour cet homme empli de doutes s'avivera au fil des pages.
De même, au cours de ces réunions quotidiennes, le capitaine
IMAIZUMI Haruo, le supérieur de
Reiko et
Kusaka, semble prendre le parti de la lieutenante et s'amuse à taquiner
Kusaka sur son enquête, lui demandant à plusieurs reprises de faire des déductions de ces rapports. Ce comportement assez immature de la part d'un supérieur hiérarchique envers son subordonné fera ranimer l'empathie du lecteur pour le personnage, qui se demande pourquoi il doit subir ce traitement.
Reiko est moins tourmentée par les démons de son passé et, ne devant plus supporter les sous-entendus de
KATSUMATA Kensaku comme dans
Rouge est la nuit, elle peut se concentrer sur son investigation. Toutefois, elle doit une nouvelle fois faire équipe avec
Ioka, ce qui ne manquera pas de frustrer
Kikuta, dont elle devra gérer le tempérament boudeur...
KIKUTA Kazuo, le subordonné de Reiko, est un peu plus développé. Amoureux de sa supérieure mais manquant cruellement de courage, il n'ose pas lui avouer ses sentiments. D'ailleurs, l'inaction de
Kikuta ne manque pas d'exaspérer
Reiko - et le lecteur par la même occasion, car nous savons que leurs sentiments sont réciproques. Et, pour ne rien arranger,
Kikuta évite
Reiko pendant une grande partie de l'enquête, ce caprice nous étant offert car la lieutenante doit faire équipe avec
Ioka.
IOKA Hiromitsu est un peu le
running gag de la saga. Étrangement toujours présent dans les affaires sur lesquelles enquête
Reiko, il est présenté comme étant mal élevé, un peu stupide et très direct. Il voue une sorte d'amour sans limite à
Reiko ce qui ne manquera pas de gêner la lieutenante très peu attirée par lui. Toutefois, au fil du roman, il s'avère qu'il ne manque pas de ressources, d'être très compétent et, surtout, d'être un soutien sans faille pour
Reiko.
Avec
Cruel est le Ciel,
HONDA Tetsuya nous offre une nouvelle fois une affaire retorse et bien plus complexe qu'en apparence, ne manquant pas de montrer l'efficacité et les défauts du système policier japonais. Et quel plaisir de suivre les enquêteurs dans leur investigation ! Trouver un élément étrange, démêler les informations et tomber sur une intrigue bien plus globale et complexe... il en résulte un jeu de piste palpitant. Le tout servi par des personnages que l'on prend plaisir à découvrir, suivre et apprécier à leur juste valeur.