Rouge est la nuit est un roman de
HONDA Tetsuya, disponible depuis avril 2019 aux éditions
Atelier Akatombo. Il fait partie de la saga dite de "
l'inspectrice Himekawa", comptant actuellement huit tomes. Ce roman policier nous plonge dans une enquête criminelle se déroulant en plein Tokyo pendant les longues et chaudes journées d'été. L'œuvre dépeint le fonctionnement du système de la police japonaise, ses points forts, ses points faibles, ses travers... tout en développant la situation personnelle de
HIMEKAWA Reiko. À chaque nouvelle partie du roman, un prologue nous dévoile une partie du passé du tueur que poursuit l'inspectrice. C'est ainsi qu'on s'attache à lui et qu'on le comprend sans pour autant nous livrer de nouvelles informations inconnues à
Reiko ou à propos de son identité.
Je dirais même c'est l'inverse, un des chapitre en particulier m'a fait douter de sur les éléments que je connaissais déjà.
HIMEKAWA Reiko est inspectrice au sein de la 1
er division de la police Tokyo à 29 ans. Elle nous est présentée comme une carriériste ayant gravi les échelons grâce à son travail acharné et sans l'aide de piston, un cas exemplaire dans les hautes fonctions. Elle n'en reste pas moins proche de ses hommes, avec lesquelles elle préfère passer ses fins de journée, plutôt qu'avec sa hiérarchie.
Toutefois, cette façade de femme forte et compétente cache de nombreuses souffrances : les reproches de sa famille de toujours être célibataire à presque 30 ans, les regards emplis de préjugés de ses collègues, ou même des personnes qu'elle interroge. Elle ne trouve de réconfort qu'auprès des hommes de son unité qui, même s'ils marquent parfois leur distance, sont toujours là pour la soutenir et l'aider à se faire respecter. Certains se révèlent même un peu surprotecteurs...
En plus de ces regards,
Reiko doit gérer une pression à laquelle n'ont pas affaire ses collègues masculins. Alors que l'enquête a lieu pendant les longues et chaudes journées d'été, la lieutenante doit prêter attention à son bronzage (être trop bronzée est mal vu), maquillage et ses traces de transpiration disgracieuses qui nuiraient à l'image que les témoins et collègues pourraient avoir d'elle.
En plus de cette pression,
Himekawa souffre également d'un traumatisme dû à un événement survenu lorsqu’elle avait 17 ans. L'auteur,
HONDA Tetsuya, choisit de laisser cette question en suspend, comme si nous devions nous-même attendre que
Reiko soit prête à l'assumer et, donc, à nous le partager.
HONDA Tetsuya, prend aussi le temps de nous présenter le fonctionnement de la police japonaise et son côté martial. Chaque échelon est défini précisément et chacun doit obéir aux ordres de son n+1. Un système a priori juste, puisque basé sur le mérite et les compétences des individus. Mais cette méritocratie connaît également ses failles : les liens familiaux et l'argent pèsent lourdement dans la balance ; le système ne tient pas compte des résultats mais des échecs et il est donc plus sûr pour un haut gradé de ne pas prendre d'initiative plutôt que de se tromper...
Au fil du roman, l'affaire se complexifie et une nouvelle sous-section de la première division se joint donc à l'enquête avec, à sa tête,
KATSUMATA Kensaku surnommé Fargas, en référence au champion d'arène de Pokémon Or et Argent. Fait intéressant car, si ce surnom peut faire sourire le lecteur, cet individu réussit l'exploit, et ce malgré les avertissements répétés de
Reiko, de nous être totalement détestable. Il s'en prend directement à l'héroïne, fait preuve de sexisme ordinaire, l'humilie devant ses hommes, la brutalise et lui rappelle le traumatisme de son enfance. Ce, alors même que
Reiko et lui ont le même grade et qu'il n'a pas l'ascendant hiérarchique par rapport à elle. Les raisons de son animosité nous serons dévoilées plus tard...
Après cette rencontre,
HONDA Tetsuya, nous fera alors suivre chaque équipe à son tour à chaque chapitre : d'un côté
Reiko et ses hommes suivent la procédure et continuent leur enquête et, de l'autre,
Kensaku dont les méthodes sont plus sur le fil du rasoir : corruptions, menaces et actions déloyales seront monnaie courante avec lui.
En parlant de l'enquête, je ne vous ai pas encore parlé de l'affaire... : un corps a été retrouvé dans un parc. En plus des nombreuses cicatrices, il possède une étrange entaille post-mortem à l'abdomen...
Point de surnaturel sur cette affaire (et dans la saga). Nous suivons ici une enquête tout ce qu'il y a de plus classique : les policiers enquêtent sur le voisinage, fouillent dans le passé de la victime (si, elle est identifiée) et se concertent entre eux à chaque fin de journée. Ce côté collégial et carré est agréable à suivre, l'enquête avançant petit à petit grâce aux hommes qui s'adonnent à leur sa tâche et se montrent utiles pour le bien commun. Le tout change du flic
hard-boiled, solitaire et franc-tireur, typique de ce genre de série. En parlant de franc-tireur, les armes à feu sont très peu présentes dans l'histoire. Pour ainsi dire, les enquêteurs ne sont même pas armés pendant l'investigation, le port d'arme étant réglementé par les décisions hiérarchiques.
Vous l’aurez sûrement compris, avec Rouge est la nuit,
HONDA Tetsuya se sert avant tout de l’enquête pour mettre en avant le système policier japonais et sa protagoniste,
HIMEKAWA Reiko. Les deux inspecteurs,
Reiko et
Kensaku et leurs méthodes diamétralement opposées permettent de dévoiler les avantages et les travers du système. Le personnage de
Reiko est également très bien développé et on se plaît à apprendre à la connaître d’abord par son ascension sociale, son apparence, puis son environnement de travail, les hommes qu’elle dirige et enfin sa famille puis son passé. L’affection que nous lui portons ne cesse de croître au fil du récit. Rouge est la nuit est une très bonne entrée en matière pour la saga de l’inspectrice Himekawa. À la fin du roman, on ne demande qu’une chose, la revoir, ce qui tombe très puisque la suite
Cruel est le Ciel est d’ores et déjà disponible en France ! Toujours aux éditions
Atelier Akatombo !