Harada est de retour en France aux éditions
Boy's Love avec un nouveau one-shot : le tant attendu
One Room Angel, grand vainqueur des
Chil-Chil BL Awards 2020 ! Celles et ceux qui lisent mes chroniques sauront qu'
Harada est une autrice dont j'apprécie beaucoup le style depuis ma lecture de
The Song of Yoru and Asa, un titre qui m'a beaucoup marquée. J'étais donc très impatiente de me plonger dans ce manga qui n'a unanimement reçu que des éloges, de la part des personnes qui ont accroché aux oeuvres de la mangaka comme de celles pour qui ça n'a pas été le cas.
Synopsis :
Kôki, trente ans, célibataire, vit dans un petit appartement pourri, a un travail pourri, et mène une vie... pourrie. Il n'a ni avenir ni rêves, et son visage effrayant ne l'aide pas à nouer des relations.
Pourtant, le soir où il se fait poignarder par un délinquant, son existence bascule : alors qu'il s'évanouit, un ange lui apparaît.
Persuadé d'avoir rêvé, Kôki ne cache pas sa surprise lorsqu'il rentre chez lui et tombe sur ce jeune garçon aux ailes bien réelles. Celui-ci, loin de ce à quoi l'on pourrait s'attendre, se comporte davantage comme un adolescent ronchon que comme un ange gardien. Il n'a aucun souvenir et ses ailes sont trop faibles pour qu'il puisse s'envoler au paradis.
S'installe alors une étrange colocation où ces deux êtres que tout semble séparer doivent apprendre à vivre ensemble, se découvrir, et faire face aux épreuves que la vie leur présente, terribles ou pleines d'espoir.
-Boy's Love-
Et le moins qu'on puisse dire, c'est que
One Room Angel fut une excellente surprise ! À la fois similaire et très différent des précédentes sorties françaises de l'autrice, ce one-shot s'avère être dur et violent autant qu'il est tendre, lumineux et porteur d'espoir.
Harada nous a habitués à des récits crus et brutaux, qui dégagent une sorte de mélancolie désabusée et où la violence -pas forcément au sens physique du terme- est omniprésente. Ici, si l'on retrouve bien un côté très mélancolique à l'oeuvre ainsi qu'une part de violence dans certains de ses aspects, c'est plutôt la poésie que la brutalité qui s'invite ! Mais surtout, aux antipodes de ce qu'on connaît à ses autres mangas,
One Room Angel est un manga "yaoi" totalement
soft puisque la relation des deux personnages reste platonique du début à la fin.
Trentenaire blasé au visage effrayant, Kôki est un personnage qui brise nos aprioris et s'avère en fait gentil et bienveillant. Son lourd passé de leader de gang et l'erreur qu'il a commise envers son frère lui pèsent, alors même qu'il tente d'évoluer dans une société qui a du mal à l'intégrer, lui, l'ancien délinquant. Rongé par la culpabilité mais aussi en un sens par la solitude, il a du mal à considérer que sa vie pourrait avoir une quelconque valeur et regrette qu'elle ne se soit pas achevée après qu'il se soit fait planter.
L'ange, quant à lui, est une véritable source de fraîcheur lors de la lecture de ce manga, dont l'univers reste cruellement réaliste et aborde en toile de fonds des sujets comme la dureté du monde du travail, l'exclusion des délinquants par la société ou le droit à une seconde chance. Les éléments fantastiques entrent donc en contraste avec son côté très terre-à-terre, lui permettant de ne pas prendre un ton trop lourd malgré toute la gravité des thèmes abordés.
Ainsi, l'arrivée de l'ange dans la vie de Kôki va tout bouleverser. Malgré l'amnésie du jeune homme, chacun d'eux va évoluer et panser ses blessures, comprenant qu'ils ont le droit de se pardonner leur passé, de trouver un but à leur existence et d'aller de l'avant. Tout naturellement, avec beaucoup de tendresse et d'acceptation de l'autre et malgré des sentiments exprimés parfois qu'à demi-mot, notre duo reprendra goût à la vie et touchera le bonheur du doigt parce que désormais, ils ont
l'autre. Leur relation est profonde, complexe et développée avec beaucoup de justesse ; elle rayonne de sentiments positifs qui effacent parfois complètement le côté sombre du manga, de la même façon qu'ils effacent celui de leur vie.
Inutile de préciser que ce duo est plus qu'attachant, et que la tendresse et l'affection qu'ils se portent est très touchante ! Leur relation platonique est saine, respectueuse et complice, notamment parce que l'ange peut ressentir les émotions de Kôki - un choix scénaristique intéressant qui installe une proximité entre eux dès leur rencontre. Quelques très subtils contacts physiques créent une légère ambiguïté entre eux, mais ne changent en rien la nature de leur relation. Car ici, l'amour n'a pas besoin de prendre une forme moins platonique ni d'aller plus loin : ils s'aiment et sont heureux, peu importe comment.
Harada, contrairement à ce dont je me méfiais étant donné les tournures qu'ont pris certains de ses précédents scénarios, a su garder le ton parfaitement adéquat pour raconter cette histoire, sans jamais tomber dans des situations malsaines. L'histoire est donc réellement agréable à suivre, leur duo sonne juste et, même si l'on s'attend à une telle fin, elle n'en reste pas moins très bouleversante. Comme beaucoup je pense, j'ai versé une petite larme, mais je ne vous en dirai pas plus étant donné qu'il faut absolument que vous lisiez ce manga.
Celui-ci nous propose également quelques personnages secondaires très réussis, qui sonnent vrais, parmi lesquels M. Takashina, Takako, et surtout Arisa. Nous marquant autant par son design que par son caractère, la mère de Kôki, au tempérament très affirmé, parvient à nous attendrir par sa façon bien à elle de s'inquiéter et la manière particulièrement brutale avec laquelle elle exprime son amour maternel.
Plus globalement, le chara-design est très réussi, autant du côté des personnages secondaires que pour nos deux protagonistes principaux ; toujours en phase avec le caractère de ceux-ci, il ajoute quelque chose aux planches d'
Harada qui sont déjà d'excellente qualité, et parfois mises en scènes de façon audacieuse. Son style reste toujours aussi maîtrisé et polyvalent (il suffit d'observer les visages des différents personnages pour le constater), et d'autant plus intéressant ici qu'on observe un contraste entre la délicatesse et la beauté de l'ange d'un côté, l'air menaçant de Kôki et la violence de certains passages de l'autre. Dessiner un ange est pour
Harada l'occasion de nous offrir des planches magnifiques où la légèreté de ses ailes blanches détonne dans le décor de ce une-pièce sale et exigu qui leur sert de logement. Enfin, malgré l'absence totale -et normale- de scènes
hot, l'ange dégage parfois un érotisme discret, finalement plus poétique qu'autre chose.
Touchant, subtil et beaucoup moins brutal que les autres titres de la mangaka,
One Room Angel s'impose comme la sortie
Boy's Love à ne pas rater cette saison et mérite selon moi amplement sa victoire aux
Chil-Chil. En effet, malgré le fait qu'on puisse être surpris par la relation purement platonique des personnages, ce récit tendre et poétique résonne juste en nous, probablement plus que toutes les oeuvres d'
Harada sorties en France jusqu'à aujourd'hui. En un mot : un must-have, que vous appréciez ou pas le style de l'autrice !