Show Me Love est un one-shot de
FUSHIMI Ami, une autrice que l'on découvre pour la première fois en France au travers de ce titre shōjo. Une nouvelle fois sorti du label
COMIC it et paru en tome relié au Japon il y a un peu moins de deux ans, c'est fin mai dernier que ce manga a rejoint les étagères des librairies françaises grâce aux éditions
Akata.
Nami vient d’emménager avec sa mère dans un nouvel appartement. Abandonnée par son père, l’adolescente désabusée est en rupture avec les autres. Mais elle découvrira avec stupeur qu’un de ses professeurs habite désormais dans le même immeuble qu’elle. Ce dernier, divorcé, vit séparé de son ex-femme et de son fils, Kenta. Très vite, la collégienne se prend d’affection pour le petit garçon...
-Akata-
Un manga shōjo sans histoire d'amour et centré autour de problématiques familiales ? Je prends ! Au-delà des sujets abordés, la première chose qui m'a surprise -dans le bon sens du terme- lors de ma lecture de ce one-shot fût le style épuré mais très sensible de la mangaka. Ici, rien n'est en trop ou n'est là par hasard. Les décors sont minimalistes, le chara-design est simple mais très efficace, toujours cohérent avec le caractère des protagonistes. Plus les personnages sont secondaires, moins leur design est précis ; nul besoin en effet de mettre des visages sur ces rôles, qui se trouvent alors croqués de façon simplifiée, voire évincés des cases.
Entre les moues désabusées de Nami, les yeux larmoyants de Kenta et les mines sévères de son père, les dessins parviennent à nous communiquer les sentiments des personnages de façon brute, authentique, au travers d'expressions convaincantes. Tantôt pleins d'entrain et d'affection, tantôt mélancoliques ou bien apeurés, les regards des personnages, et particulièrement le dessin de leurs pupilles, nous révèlent beaucoup de choses. Lors des scènes intenses en émotion, les traits plutôt épais et assurés laissent naturellement place à des planches plus esquissées, brouillonnes mais sans jamais en faire trop, l'ambiance visuelle ajoutant alors à la profondeur de l'histoire. En somme, le style graphique de
FUSHIMI Ami s'accorde à la perfection avec le scénario et nous fait retrouver ce côté un peu poétique qu'on peut parfois entrevoir dans la vie quotidienne, et ce toujours avec beaucoup de sensibilité.
Quant aux personnages en eux-mêmes, tous trois me paraissent développés avec pertinence et ont une personnalité qui a su me séduire et me faire m'attacher à eux. Mais quel est le point commun entre une collégienne "sans avenir" plongée dans le cercle vicieux de la pauvreté, un père divorcé muet comme une carpe et un petit garçon à l'air aussi attendrissant que perdu ? Ils sont voisins, certes, mais surtout tous trois rencontrent des difficultés à s'ouvrir aux autres et à exprimer leurs sentiments. Et pourtant, ils en auraient besoin, car à cet instant de leur vie, ce ne sont pas les problèmes qui manquent et le silence n'aide pas ! Leur rencontre permettra à chacun d'apprendre à s'ouvrir peu à peu, de grandir et d'évoluer naturellement au contact des autres, de façon plus ou moins explicite mais suscitant sans mal une certaine compassion chez nous.
Les personnages évoluent donc dans un univers à leur image, d'une simplicité réaliste, et pourtant si complexe à la fois. Leur relation est authentique et la présence de personnages secondaires complète un tableau familial et social convaincant, que l'autrice a su poser avec brio. Alors, l'un doit assumer son rôle de père et parvenir à se reprendre en main et communiquer avec son fils, l'autre continuer à faire face à son harcèlement scolaire et au comportement abusif de son beau-père, et la troisième enfin retrouver foi en son avenir, en l'autre et en la société de façon générale.
Violences domestiques, harcèlement, divorce, pauvreté et exclusion, difficultés à s'ouvrir aux autres, tous ces thèmes forts sont abordés ici avec justesse, parfois seulement à demi-mot. Pourtant, malgré la gravité de son scénario,
FUSHIMI Ami parvient à faire conserver à son manga un côté joyeux, lumineux, que je ne m'attendais pas à trouver si présent. La fin, très mature, va au delà de ces thématiques et nous délivre un message sur l'amour de façon globale, qui n'a pas pour autant la prétention d'être universel ou d'apporter
la réponse.
Show Me Love restant un one-shot en 5 chapitres, le rythme du récit est rapide mais ne s'étale que sur une période de temps relativement courte mais pour autant suffisante. On a ici une tranche de vie dans son plus simple apparat : on ne nous en montre que très peu, on nous narre avec honnêteté un instant de l'existence de ces trois êtres, qui se termine pour nous aussi abruptement qu'il a commencé. L'autrice nous laisse sur une touche de mélancolie, sans artifice et en cohérence avec le reste de la vie des protagonistes et par extension du scénario. On imagine cependant facilement les personnages continuer leur quotidien ensuite, tant ils ont pris vie lors de notre lecture. Et malgré ce tome assez peu long, on s'y attache, on est plongés dans leurs sentiments, et ravis de les voir évoluer. Une lecture rapide donc, qui clôt son scénario de façon efficace, et a réussi sa mission : nous retenir dans son univers et nous avoir fait vivre tous ces moments d'émotion aux côtés de Nami, Kenta et Nagakawa !
La vie est difficile, mais il faut bien continuer à avancer, et pour ce faire il faut s'ouvrir aux autres : cela pourrait être le message qui se dégage de ce one-shot allant à l'essentiel, dans son dessin comme dans son scénario.
FUSHIMI Ami nous propose une tranche de vie qui parvient à aborder des thématiques graves tout en restant, en un sens, positive et pleine d'espoir. C'est brut, c'est vrai, c'est beau, c'est mature et touchant, ça explose de sentiments... En conclusion, si vous aimez les shōjos, lisez
Show Me Love, car il serait réellement dommage pour vous de passer à côté.