Sleeping Charon est un manga en trois tomes de
MOGI Sayaka, publié chez
Kōdansha au Japon. Le troisième et dernier tome est paru en France à la mi-juillet aux éditions
Komikku.
L’on découvre le monde de
Sleeping Charon à travers une petite forme noire qui devient garçon en passant la grande porte d'une mystérieuse demeure. Celle-ci est régie par
Charon, une petite fille guillerette mais bien seule, qui déambule dans la vaste habitation envahie de personnages étranges, de monstres bizarres et de bêtes glauques. Elle est ravie d'accueillir le jeune garçon qu'elle surnomme "
Mon Prince". Le petit est tout de suite en confiance. Pourtant… le monde dans lequel il vient de pénétrer est très loin du monde enchanteur auquel il s'attend !
Ici et là se glissent divers détails qui nous mettent petit à petit la puce à l’oreille sur l’étrangeté de l’univers. Entre chaque chapitre, un personnage de la demeure est présenté, à travers une illustration bien curieuse. Et ce n’est qu’à la fin du tome que l’on en comprend tout le sens. Quelques notes de cannibalisme se faufilent également, un thème qui semble bien cher à l’autrice de
Pupa.
La révélation de fin du premier tome sonne comme un gigantesque déclencheur. Un nouveau niveau s’ajoute à notre compréhension de l’univers finement élaboré par
MOGI Sayaka et l’on en découvre au fur et à mesure chaque rouage.
Peut-être le titre du manga vous a-t-il interpellé dès le début.
Sleeping Charon…
Charon, le nocher des enfers de la mythologie grecque, celui qui transporte les morts dans l’autre monde sur sa barque. La petite
Charon emmène ainsi son “
Prince” dans son Enfer. Le jeune garçon innocent, qui ne se souvenait plus de ce qu’il était avant d’entrer dans la demeure, se rappelle petit à petit son sombre et abominable passé. La faute à
Charon et à son monde traumatisant qui explore les tréfonds de votre âme et vous tourmente sans cesse. Des questions philosophiques pourront surgir dans votre esprit et, pourquoi pas, assaisonner des débats endiablés. Évitez cependant de vous perdre dans un tunnel un peu trop profond…
Oui, le
Prince a commis des choses extrêmement horribles par le passé. Mais l’autrice ne nous laisse pas sur ce fait et pousse le vice jusqu'à dépeindre son enfance chaotique pour expliquer son changement. Le caractère d’un individu se forge dès son enfance, et toute récurrence de punition, de trop d'inattention, peut laisser sombrer une âme fragile et la faire renaître de la plus mauvaise des manières.
De son côté,
Charon a-t-elle vraiment le droit d'embarquer et malmener des individus dans sa demeure ? Qui est-elle pour juger des actes abjects des autres ? Nous apprendrons dans le dernier tome les raisons qui ont poussé Charon à être ce qu’elle est, et cela en est tout autant terrifiant. Une succession de rebondissements et d’explications s’entremêlent et nous livre une fin haletante, que vous n’oublierez pas de sitôt !
Le dessin oscille entre plusieurs styles : les rondeurs du monde cauchemardesque, la rigidité du monde réel et les estompages d’un souvenir. Les illustrations de chapitre sont de plus en plus déstructurées. Le noir envahit toutes les cases, avec un remarquable effet de sang qui coule et inonde les cases voisines, notamment lorsque tout commence à s’effondrer...
N’oublions pas la colorisation des couvertures qui est merveilleuse. Elle nous offre un dégradé incohérent de couleurs, oniriques et éclatantes, rehaussés de noir et laissant transparaître une ambiance macabre et cauchemardesque, à l’image du contenu.
Sous ses airs de fable enfantine, un univers sombre et psychologique se dévoilera petit à petit. Si vous êtes adeptes des ambiances glauques et macabres, ce manga en trois tomes disponibles chez
Komikku va vous combler ! Si vous ne l’êtes pas, vous risquez d’être mal à l’aise devant certains concepts. Mais si vous n’avez pas peur de vous y confronter, je vous promets que vous ne serez pas déçus !