Attention, cette chronique porte sur une œuvre destinée à un public averti car elle contient des scènes particulièrement violentes ou sexuellement explicites.
Vous lisez des mangas boy's love et ne connaissez pas
Harada ? Vous devriez. Qu'on apprécie son style ou pas, l'autrice a fait un sans-faute avec sa dernière oeuvre,
One Room Angel, qui ne s'est attirée que des éloges. Mais lorsqu'on connaît un tant soit peu le style habituel de la mangaka, on comprend que ce one-shot était vraiment, vraiment
soft. Désormais, retour dans le
trash et la vulgarité avec
Happy Shitty Life disponible chez
Boy's Love, une oeuvre à 100% dans le "style
Harada" comme on l'aime, accompagnée bien sûr de ses qualités comme de ses défauts.
Synopsis :
Kasuya vient d’être exilé dans un trou paumé pour avoir déclenché un scandale dans son entreprise. C’est dans cette campagne chaude et inerte qu’il rencontre son nouveau voisin, Kuzuya, chômeur et véritable déchet de la société à ses yeux.
Mais Kasuya lui-même, égoïste, fourbe et dépourvu d’empathie, a un point commun de taille avec son voisin : il aime se faire défoncer le cul. Lorsque Kuzuya lui propose de découvrir et partager les sensations d’un vrai pénis, l’appétit sexuel de Kasuya prend le dessus. Alors que ce dernier découvre, non sans jalousie déplacée, le passé difficile de son compagnon, s’installe entre eux une relation faite de caprices, de gags et de disputes à qui sera pénétré ce soir-là !
-Boy's Love-
Je ne le cache pas, je reste dans l'ensemble une fan du travail d'
Harada ; ainsi, c'est avec des aprioris positifs que j'ai commencé ma lecture de ce tome, amusée par ce synopsis décalé mais tout à fait en phase avec le genre de scénario très érotique que l'autrice aime développer. Et
Happy Shitty Life s'avère être tout à fait ce à quoi je m'attendais, dans ses aspects positifs comme problématiques.
Sans surprise, le sexe est le sujet central du manga, et le scénario peut globalement se résumer en un "pourquoi pas". On nous propose un premier tome sexuellement décomplexé et volontairement vulgaire, donnant lieu à des passages complètement délirants et à des scènes
hot comme à son habitude plutôt nombreuses, non-censurées et bien détaillées. Dans leur mise en scène comme dans leur dessin, on sent que celles-ci sont toujours aussi bien maîtrisées par l'autrice, qui dans cette nouvelle histoire choisit de mettre en place une dynamique totalement
switch entre les personnages, puisque tous deux préfèrent être
uke et jouent alors leurs positions au pierre-papier-ciseaux.
La mangaka nous offre aussi une bonne dose d'humour, souvent noir, parfois absurde, mais toujours aussi porté sur le sexe. Le récit conserve un ton très léger malgré les événements pourtant dramatiques qu'ont pu vivre les personnages, qui ne sont pas pris au sérieux. On retrouve là ce qui est à mon sens le plus grand défaut d'
Harada : la présence de scènes d'agression et de viol. Pour être honnête, je ne m'attendais pas à ce qu'il en soit autrement ; mais je suis quand même déçue, d'autant plus que l'histoire aurait clairement pu s'en passer et que cela n'apporte rien à son développement. La relation entre Leo et "Zenkô" est plus que malsaine et donne lieu à un grand nombre de passages qui souhaitent jouer sur une ambiance à mi-chemin entre érotisme et humour noir, en comptant sur les réactions des autres personnages, mais qui nous mettent au final plus mal à l'aise qu'autre chose. Le bonus de fin, quant à lui, me semble clairement de trop.
Mis à part le sexe, nos deux personnages évoluent dans un univers réaliste et banal, avec ce petit côté désabusé que l'autrice sait si bien nous faire passer à travers ses planches. En même temps, rien d'étonnant à ce que les héros aient l'air blasé vu leur quotidien peu reluisant, voire même en effet plutôt merdique, d'un côté comme de l'autre. Pourtant, ils décident d'en profiter à fond, notamment en buvant et en se plongeant dans leur passion commune, à savoir le sexe anal.
Autour d'eux évoluent un certain nombre de personnages secondaires, dont deux femmes pleines de confiance en elles, représentées donc de façon plutôt intéressante pour un manga yaoi. Le cadre de l'histoire mêle relations professionnelles un peu complexes, réputation, chômage, pression et exclusion sociale, sur un fond de village de campagne dans lequel tout le monde se connaît... Pour le meilleur comme pour le pire, puisque tout le monde semble avoir couché avec tout le monde et que la sexualité des personnages nous apparaît comme très libérée. Le scénario est en réalité très adulte et réaliste ; c'est simplement qu'il ne se prend pas du tout au sérieux, et fait du sexe son sujet central.
La relation floue de nos deux héros est plaisante à suivre, navigant entre
sex-friends et rivaux, le tout un peu par hasard. Amour, sentiments, empathie ? Des notions plutôt étrangères à un univers comme celui de
Happy Shitty Life. Si, tout comme eux, nous ne sommes donc pas sûrs de la nature de leur relation, les deux personnages sont en tout cas bourrés de défauts - ils ne s'appellent pas "déchets" pour rien - mais comme souvent dans les oeuvres d'
Harada, c'est exactement ce qui les rend convaincants et attachants. Il est difficile de prévoir de quelle façon évoluera leur relation à l'avenir tant on a du mal à discerner un début de sentiments, entre les scènes de sexe comme durant celles-ci, et il serait honnêtement très ambitieux de les imaginer se mettre en couple. Seul l'avenir nous le dira, puisque la mangaka prévoit d'ores et déjà la sortie d'un second tome.
Pour une fois, je souhaite saluer la traduction pertinente que nous offre
Boy's Love, de très bonne qualité et n'hésitant pas à utiliser des termes actuels. De même, l'absence de censure est appréciable, mais était tout à fait essentielle pour éditer une œuvre comme
Happy Shitty Life dont tout l'intérêt se situe justement dans l'érotisme, la vulgarité et le soucis du détail de la représentation des scènes de sexe.
Ainsi,
Happy Shitty Life se présente comme un premier tome drôle, sale et plutôt déjanté, avec comme attendu son lot de qualités propres au style de l'autrice, mais aussi de scènes dont la lecture peut s'avérer clairement moins appréciable. Son talent reste intact, scénaristiquement comme via ses planches au trait fin, expressif et convaincant et au dessin des corps travaillés. Un titre qui ravira donc certainement celles et ceux qui apprécient le travail de la mangaka, et repoussera toujours autant les autres, ce que je peux parfaitement comprendre surtout étant donné la présence ici encore de scènes de viol. Je suis vraiment curieuse de voir comment
Harada compte faire évoluer l'histoire dans un second volume puisque, à mon sens, celui-ci aurait très bien pu se suffire à lui-même, et j'attendrai donc la sortie de sa suite avec impatience, toujours aux éditions
Boy's Love !