Attention, cette chronique porte sur une œuvre destinée à un public averti car elle contient des scènes particulièrement violentes ou sexuellement explicites.
Cette semaine, on part à la découverte d'une autrice publiée pour la première fois en France,
Tokishiba, avec les deux premiers tomes de son manga
Le fantôme sadique qui ne me laissait pas dormir ! Sortie des pages du magazine
Charles Comics des éditions
Sankōsha où elle est prépubliée depuis 2016, cette série est toujours en cours au Japon et a débarqué en France en mai dernier chez les éditions
Boy's Love.
Synopsis :
Yûji est jeune garçon homosexuel. Une nuit où il essuie un énième rejet, une personne qu'il ne connaît pas s'invite dans son lit... Il s'agit d'un « fantôme sexuel ». Ces fantômes s'en prennent aux personnes frustrées sexuellement. Le sien a un penchant sadique !!
Petit à petit, il va commencer à s'intéresser à lui...
Comment va se passer la vie quotidienne avec ce fantôme dans les parages ?
-Boy's Love-
C'est le côté fantastique de ce titre qui m'avait intriguée et poussée à en commencer la lecture. Cependant, celui-ci s'avère clairement ne pas être l'aspect le plus développé du manga. Il garde des contours vagues et manque même parfois de cohérence. Il semble davantage présent pour justifier le scénario que pour tenter de mettre en place une intrigue autour de véritables éléments fantastiques. Car si
Le fantôme sadique qui ne me laissait pas dormir nous parle certes de fantômes, il nous parle surtout de sexe, comme on pouvait s'y attendre à la vue des illustrations de couverture.
Le concept en lui-même du "fantôme sexuel" aurait pu être mis en place de façon intéressante et donner lieu à des scènes
hot appréciables. Cependant, l'autrice a, d'après moi, choisi le mauvais angle d'attaque. Les dynamiques de la relation des personnages ont été utilisées d'une mauvaise façon et le manga pousse très loin dans le
noncon. On voit où
Tokishiba veut en venir, mais l'ambiance, au lieu d'être hot, nous paraît souvent malsaine, à l'image d'ailleurs de la relation des deux personnages. Le scénario compte sur les réactions physiques naturelles d'un uke non consentant pour nous servir des scènes de sexe, auxquelles on ne parvient d'ailleurs même pas à accrocher car on comprend vite qu'il ne s'agit pas de plaisir partagé. Mal mis en place, mal utilisé, ce concept aurait pu nous séduire s'il n'avait pas été gâché par le tournant qu'a pris ce premier tome, auquel j'ai globalement très peu accroché.
Au-delà des relations sexuelles en elles-mêmes, le ton léger que conserve le manga malgré les nombreuses scènes de viol, alors même que les personnages en sont conscients, m'a mise mal à l'aise. On créé presque un
running gag du viol du Yûji, ce qui rajoute à la gêne que l'on peut déjà ressentir devant la façon dont sont mises en scène certaines cases ou devant différentes expressions affichées par les personnages. De plus, pour qu'une histoire ait un minimum d'intérêt, elle doit avoir un fond, il faut qu'on sente qu'il se passe quelque chose dans la tête des personnages... ce qui n'est pas le cas dans les premiers chapitres de
Le fantôme sadique qui ne me laissait pas dormir. Heureusement, la donne change lorsque les sentiments s'en mêlent, bien que ceux-ci restent loin d'être sains. En effet, la réplique de Yûji "Tu penses vraiment que me violer plusieurs fois me fera tomber amoureux de toi ?" illustre parfaitement ce qui a été le raisonnement d'une grande partie du premier tome.
Les personnages de l'histoire principale, eux aussi, n'ont pas su combler mes attentes. En plus de manquer de charisme, Yûji se révèle être plutôt creux et agir de façon clichée. Souvent mal à l'aise et apeuré, repoussant Kôsuke comme il le peut, il tombera finalement vite dans le schéma classique -et plus que lassant- qu'on pourrait résumer par "tu dis que tu ne veux pas, mais pourtant tu as l'air d'aimer ça". Rougissant à la moindre évocation de possibles sentiments, il passe d'apeuré à embarrassé d'une page à l'autre sans réelle cohérence, mais de façon toujours prévisible une fois qu'on a compris dans quel stéréotype on était tombé. Concrètement, il se fait violer en boucle mais tombe pourtant amoureux du fantôme qui lui fait subir tout ça, et le manga a l'air de trouver la situation totalement normale... Du moins jusqu'au
twist de fin de premier tome, qui redresse quelque peu la balance pour la suite et explique en partie le comportement de Kôsuke. Si celui-ci s'avère être un personnage qu'on a du mal à apprécier en raison de ses actes, il a au moins le mérite d'avoir un chara-design correct et des expressions qui collent bien à son caractère.
Les moments censés être attendrissants nous paraissent peu naturels durant le premier tome étant donné les dynamiques de leur relation, et on a du mal à s'attacher à ce couple assez particulier. Personnellement, j'ai plutôt ressenti de la pitié face à Yûji et de l'énervement face à Kôsuke. On commence cependant à voir un peu d'affection s'installer entre eux à partir de la moitié du premier tome, et leur histoire d'amour semble gagner en cohérence au fil du scénario, bien qu'elle conserve toujours ses bases plus que questionnables. Le second tome nous en présente finalement une facette plus apaisée, et il s'avère beaucoup moins inquiétant que le premier, malgré une intrigue principalement centrée sur la jalousie excessive de Kôsuke.
Si je n'ai pas vraiment accroché au scénario que nous propose
Le fantôme sadique qui ne me laissait pas dormir, son histoire secondaire centrée sur Takumi et Daichi, le voisin de Yûji, m'a parue beaucoup plus attachante, saine et agréable à lire. Elle m'a permis de terminer le second tome sur une impression positive, alors que la lecture du premier s'était avérée très rude. Plus globalement, le trait de l'autrice reste classique mais efficace, et on le sent bien maîtrisé, au niveau des expressions de visage comme des corps. On peut regretter les quelques fautes d'orthographe et incohérences dans la traduction, sans pour autant que celles-ci n'aient réellement impacté la lecture. Si vous souhaitez lire
Le fantôme sadique qui ne me laissait pas dormir, je vous conseille simplement de savoir à quoi vous attendre, afin de ne pas vous laisser surprendre par certaines scènes comme je l'ai été.