Inside Full Bloom, c'est le premier manga de
KUKI Wakame, et c'est surtout un titre qui était très attendu en France après s'être fait remarquer lors des Chil Chil BL Awards 2019 en se classant
20e de la catégorie Jeunes Talents. C'est en janvier dernier qu'il est finalement sorti chez
Boy's Love, porté par un synopsis prometteur et une couverture très esthétique, qui ne peuvent que nous donner envie de découvrir ce one-shot.
Synopsis :
Depuis un traumatisme, Kana a bien conscience de faire partie d'une minorité. Ne s'étant jamais vraiment ouvert aux autres, le jeune homme porte son lourd secret tout seul. Mais un jour, alors qu'il est invité à une soirée de groupe par ses amis de l'université, il découvre un curieux jeune homme, du côté des filles, qui n'a pas peur d'affirmer son homosexualité.
Sa première impression de Keigo est loin d'être bonne, et Kana fera tout son possible pour l'éviter. Mais petit à petit, les deux garçons, tout aussi maladroits l'un que l'autre, vont découvrir qu'ensemble, le temps qui semblait s'être arrêté pour eux se remet en marche.
-Boy's Love-
Dès les premières pages, le trait de l'autrice se remarque : plus esquissé que dessiné, son style est très fin, léger, et donne beaucoup de charme au manga tout en permettant un bon rendu des émotions. Cependant, celui-ci reste plutôt irrégulier. Des passages aux décors très épurés, voire inexistants, laissent parfois place à des planches surchargées, tandis que la finesse du trait manque de constance. Le découpage, quant à lui, est correctement réalisé, et paraît même plutôt dynamique, notamment grâce à la découpe en diagonale d'un grand nombre de cases. On sent qu'il reste une grande marge de progression à
KUKI Wakame, dont ce one-shot n'est, rappelons-le, que le premier manga, et qu'elle parviendra certainement à préciser son trait tout en affirmant son style.
Si le dessin a su me charmer dans une certaine mesure, la tâche s'est avérée plus compliquée pour le scénario. Certes, une part de ma déception provient certainement de mes attentes trop élevées envers ce titre, mais peut-être l'autre part peut-elle s'expliquer par le fait que celui-ci n'était tout simplement pas à la hauteur de la
hype autour de sa sortie française.
KUKI Wakame nous présente deux personnages ayant chacun des vécus différents vis-à-vis de leur homosexualité, l'un assumant publiquement qu'il est gay, l'autre cherchant à le cacher à tout prix. Leur passé nous est présenté, mais d'une façon qui nous laisse tout de même une impression de flou. On sent qu'il manque ce petit quelque chose qui provoquerait notre empathie et nous ferait nous attacher aux personnages dès le début du volume. Si l'on parvient à cerner Kana dès le début, Keigo nous paraît assez mystérieux pendant une bonne partie de l'histoire, et l'on peine parfois à comprendre son comportement. Même si le background de ce duo ne parviendra pas à émouvoir tout le monde, il faut bien admettre, qu'au moins, il est présent.
Au travers de ces personnages, et bien que leur développement puisse sembler un peu hasardeux, la mangaka cherche à aborder des thématiques sérieuses et réalistes. L'homophobie a laissé de profondes blessures à nos deux protagonistes, profondes au point qu'elles les empêchent d'aller de l'avant et de se libérer de leur passé. C'est ensemble qu'ils chercheront à panser leurs blessures : faisant tous deux partie d'une "minorité", ils seront finalement les seuls à pouvoir comprendre cette souffrance puisque leur entourage, hétéro, n'aura jamais le même vécu. Faire face à l'autre permettra alors à chacun de se comprendre et de pleinement s'accepter, avec ses forces comme ses faiblesses. Finalement, ils grandissent, s'épanouissent, et prendront individuellement et communément un nouveau départ, suivant sans surprise la métaphore florale présente tout au long du tome, qui donne sa légère touche poétique à ce manga.
Mais aboutir à cette compréhension mutuelle ne sera pas de tout repos, et la relation de nos deux jeunes étudiants s'avèrera même plutôt chaotique... Malheureusement, le début du tome m'a laissée tout à fait perplexe : les deux premières scènes de sexe sont plus qu'ambigües quant à l'absence de consentement de Kana, l'alcool et les justifications fumeuses très classiques qui sont avancées ("mon corps et mon coeur sont en contradiction"...) n'arrangeant clairement pas la situation. Une relation qui part donc sur des bases peu saines, qui se développe mais laisse vite dubitatif, alternant entre attirance et un rejet qui n'étonne pas au vu de la façon dont a démarré leur relation, sans qu'il ne soit jamais question d'amour. Si certaines scènes parviennent à nous faire passer des émotions, difficile de s'attacher aux personnages en tant que "couple" tant leur dynamique relationnelle peut nous paraître étrange. On se demandera même longtemps si se fréquenter leur fait du mal ou du bien, et à mon sens, le tout manque de tendresse...
Ainsi,
KUKI Wakame cherche sans aucun doute à nous faire passer un message sérieux et pertinent. On sent toutes ses bonnes intentions, mais elle n'a pas forcément trouvé la bonne façon de mettre en scène ses propos. Le développement de ces personnages "en pleine floraison" est intéressant, mais leur relation est traitée de façon encore maladroite. Enfin, l'absence de consentement m'a empêché d'apprécier les scènes hot, pourtant tout à fait réussies. On retiendra tout de même qu'avec ce premier manga,
KUKI Wakame commence à nous conquérir par son style graphique particulier, et qu'elle sait aborder des thématiques intéressantes, qu'on espère voir plus pertinemment développées dans ses prochaines oeuvres.