Synopsis :
Yutaka Aoi est un jeune garçon particulièrement sensible et réservé. Introverti, c’est grâce à la musique et au chant qu’il s’ouvre aux autres. Aussi, en entrant au collège, il souhaite intégrer la chorale. Avec sa voix d’ange très cristalline, il espère même devenir soprano. Mais tandis que la chorale manque de voix masculines, acceptera-t-on qu’il interprète une partie souvent confiée à des femmes ?
-Akata-
J'attendais de pouvoir lire le premier tome de
Nos c(h)oeurs évanescents avec impatience ! Cette nouvelle série de
KAMATANI Yuhki a fraîchement débarqué il y a tout juste un mois chez les éditions
Akata. Il en ressort une entrée en matière aussi belle que sensible, qui tient ses promesses tout en développant l'histoire d'une façon assez inattendue pour moi.
À la lecture du synopsis, il est vrai que je m'attendais à ce que le manga s'axe sur les difficultés que rencontreraient Aoi à être un jeune garçon à la voix de soprano. À chanter entouré de filles il aurait été contraint de subir puis dépasser les brimades de ses camarades, comme le protagoniste de la précédente série de l'auteur·e,
Éclat(s) d'âme. En réalité, il n'en est rien : si cette question est bien abordée en début de tome, les personnages réagissent finalement avec bienveillance, annonçant le ton général du manga. Sans surprise, les jeunes adolescents rencontrent tout de même quelques difficultés à se comprendre... mais elles cèderont vite leur place à la douceur et à un esprit d'équipe chaleureux, qu'on espère voir se renforcer dans les prochains tomes.
Si
Nos c(h)oeurs évanescents est un titre à vocation musicale, il reste tout d'abord une tranche de vie collégienne.
KAMATANI Yuhki parvient à mettre en scène une variété de personnages à travers ce sympathique groupe de chorale, qui se montre bien vite attachant. Certains apportent de la fraîcheur tandis que d'autres semblent pour le moment s'enfermer dans leur carapace, mais une chose est sûre : tous ne demandent qu'à s'épanouir, et on pressent qu'ils y parviendront à la fois collectivement et individuellement, à travers leur passion. En plus de ses camarades et d'une ville qui respire la douceur, Aoi peut compter sur une mère aussi bienveillante que dévouée. Elle accepte et parvient à gérer les particularités de son fils, créant alors pour lui un cadre épanouissant dans lequel il pourra grandir, se construire et trouver sa voie (malgré l'absence totale d'un second parent, qui n'est pas du tout abordée pour le moment).
"Certaines sont fortes, d'autres fluettes, certaines sont libres comme l'air, d'autres sont très travaillées, mais toutes ces voix uniques forment une chanson."
© Yuhki Kamatani Kodansha Ltd.
La période des débuts du collège oscille entre enfance et adolescence, chose que l'on ressent bien dans ce premier volume : fraîcheur et innocence sont au rendez-vous tant du côté d'Aoi que des personnages secondaires, mais l'ombre de la puberté et de ses changements plane au-dessus d'eux, ou du moins de ceux qu'elle n'a pas encore touchés. On capte un moment éphémère, cette dernière touche de légèreté de l'enfance au moment où celle-ci va bientôt s'éteindre... Et cela risque de grandement affecter notre jeune héros, qui y perdra sans aucun doute sa voix cristalline. Il le sait, tous le savent, et tandis que les adultes souhaitent exploiter son talent avant qu'il ne soit trop tard, Aoi, lui, veut simplement chanter et vivre sa passion à fond tant qu'il en a la possibilité.
Mais le timbre angélique de notre héros n'est pas sa seule particularité, puisque celui-ci se révèle vite être quelqu'un d'hypersensible qui voit ses émotions fluctuer en fonction des sons. Le parallèle sans cesse fait entre ses émotions et les sons, place le protagoniste complètement en décalage avec un entourage qui ne peut pas vraiment comprendre ses difficultés et permet à l'auteur·e de parfaire notre attachement à lui. Attachement déjà facilité grâce à son caractère : innocent, naturellement enjoué et si pur qu'on peut le penser irréel, je l'attendais timide et peu affirmé : il ne l'est pas. Tandis qu'il répond aux brimades avec autant de tact que de fraîcheur, ajoutant une subtile touche d'humour au récit, il réussit par sa sensibilité et son approche de tout ce qui l'entoure, à transformer chaque instant banal en un moment dans lequel chercher un peu de bonheur. Au travers de la façon de vivre et de ressentir de son personnage,
KAMATANI Yuhki nous transporte, et nous rappelle qu'il y a une place pour le rêve dans le quotidien. Ici, même les mauvais moments sont finalement traités avec bienveillance.
"C'est un ange. Tu as déjà vu quelqu'un comme lui jouer avec les sons sans aucune honte ? Chanter avec autant de sincérité ?"
© Yuhki Kamatani Kodansha Ltd.
Mais en plus de nous présenter un scénario touchant servi par une narration parfaitement maîtrisée, une ambiance douce et des personnages attachants, ce tome est déjà une prouesse graphique qu'on pourrait difficilement ne pas apprécier. L'ambiance du manga est douce, pleine d'émotions tout en étant presque apaisante, et l'on ressent toute sa sensibilité dès les premières pages. Les planches sont superbement réalisées, mélangeant parfois de façon quasiment surréaliste nombre d'éléments poétiques, interprétant la musique avec beaucoup de sens, créant de véritables tableaux (je vous laisse la surprise de lire le tome et d'admirer, par exemple, la scène de l'opéra).
KAMATANI Yuhki sait aussi bien mettre en scène la douceur que la puissance des voix : les sons nous parviennent presque, semblent sincères et dynamisent le récit. Le chara-design est beau, pur, et nous présente des personnages expressifs aux traits ronds et délicats ; ceux-ci sont autant à fleur de peau que leur beauté n'est éphémère. Enfin, le découpage est également réalisé de façon très pertinente et sert le style de l'auteur·e avec succès. Ainsi,
Nos c(h)oeurs évanescents est pour moi un véritable coup de cœur graphique.
Comme l'illustre son titre choisi avec pertinence,
Nos c(h)oeurs évanescents nous évoque tant la sensibilité musicale qu'émotionnelle, équilibrant ces deux aspects à travers un personnage principal qui ressent à travers les sons autant qu'il y trouve de la force. Il grandit aux côtés de ceux-ci, s'ouvrant peu à peu aux autres et tentant de canaliser ses émotions. Ce premier tome beau, léger et sincère, tout en poésie et en sensibilité, parvient sans mal à nous transporter. On entendrait presque la voix angélique d'Aoi résonner dans nos oreilles tandis que l'on n'a qu'une hâte : le voir s'épanouir et tracer son chemin dans les prochains volumes. Alors un conseil : ne passez pas à côté de cette série !