Octave #1

Synopsis :

Yukino Miyashita, une ancienne idol, tente de retrouver une vie de lycéenne normale après une brève carrière dans le milieu du spectacle. Néanmoins, ne parvenant pas à surmonter son isolement, elle finit par abandonner ses études. C’est ainsi qu’elle rencontre Setsuko Iwai, elle aussi autrefois dans le milieu de la musique. Les deux jeunes filles se rapprochent, se découvrent, pour tomber amoureuses l’une de l’autre...

-Taifu-

S'il est toujours intéressant de lire un manga qui nous fait découvrir l'envers du décor du monde des idols, qu'en est-il du quotidien des stars éphémères qui ont été laissées de côté ? C'est avec beaucoup de maturité et d'émotion qu'AKIYAMA Haru nous plonge dans la vie de deux d'entre elles, Yukino et Setsuko, et nous raconte dans ce premier tome d'Octave les débuts de leur histoire d'amour, entre espoirs et tourments.

Rejetée par tous ses anciens camarades de lycée, Yukino est profondément ancrée dans sa solitude et ses seuls contacts humains se résument à ses collègues de travail et quelques appels téléphoniques. La jeune femme ne se fait plus aucune illusion sur la vie : dans son lycée de campagne, elle était la cible de toutes les rumeurs, moquée dans la rue, attendue à la sortie de l'école par des groupes d'hommes mal intentionnés... AKIYAMA Haru dresse ici avec pertinence le portrait d'un personnage isolé qui n'a plus ni goût à la vie ni projets pour le futur, convaincue de n'avoir d'importance pour personne. Le récit, très introspectif, nous plonge sans aucun mal dans les pensées de l'ancienne idol, et sa détresse parvient rapidement à nous toucher.

Mais tout le désespoir de la jeune femme trouve une consolation en la personne de Setsuko : aussi douce que spontanée, la grande blonde semble assez peu émotive mais parvient tout de même à nous captiver, et à paraître aussi déroutante pour Yukino que pour les lecteur·ices. Elle surgit dans la vie de Yukino aussi soudainement que leurs sentiments réciproques, et se pose comme la solution à tous ses maux. Toutes deux laissées de côté par la célébrité, le fait de partager une histoire similaire leur permet de se comprendre, Setsuko devinant sans mal ce qui occupe les pensées de la plus jeune. Si Yukino est d'abord assez perdue, le fait de se sentir aimée commence peu à peu à lui faire rependre confiance en elle, lui faisant rapidement faire le parallèle entre ce sentiment et celui de se trouver sous les projecteurs. On assiste au début d'une relation qu'on devine aussi profonde et complexe que ses protagonistes, et que l'on a hâte de voir évoluer dans la suite de la série.

 

La narration percutante et un peu décousue, maîtrisée dans son désordre, donne tout son charme à la série, faisant écho à ce qui se passe dans la tête du personnage et nous emportant ainsi naturellement dans le flot de ses émotions. Le trait de la mangaka est très épuré, les trames sont légères, il se dégage du manga quelque chose d'élégant et d'assez assuré pour avoir l'air juste et coller à l'ambiance du scénario. Le dessin des personnages est très harmonieux, les corps sont réalistes et représentés tout en rondeurs.

Dès ce premier tome, AKIYAMA Haru nous fait voir en face la cruelle réalité que cache l'envers du décor de la vie des idols : les jeunes filles pleines de rêves de froufrous et de paillettes sont rapidement transformées en marchandises remplaçables, contrôlées et exploitées pour le profit. Menacées de licenciement si elles prennent du poids, obligées de poser en bikini malgré leur jeune âge, dévalorisées et méprisées par leurs managers, leur vie est loin d'être aussi rose que ce qu'elles avaient imaginé. Entre jalousie de la popularité d'autres, sentiment d'infériorité et besoin de reconnaissance, les quatre jeunes filles de She'sN, l'ancien groupe dont faisait partie Yukino, tentent de reconstruire leur vie après ce court moment sous le feu des projecteurs, qui ne les a pas laissées exemptes de blessures. Tandis qu'une poursuit finalement avec succès sa carrière d'idol et qu'une autre étudie, la troisième cherche à s'épanouir en devenant actrice porno.

 

Le rapport des personnages à la sexualité est développé avec beaucoup de justesse : celle-ci est très présente dans le récit, mais plus dans les questionnements que dans les actes. Les scènes ne sont ni superflues ni fantasmées, mais au contraire pleines de sens et de conséquences sur les sentiments des personnages. Celles-ci évoquent le sexe quotidiennement et ouvertement, que ce soit au sein de leur couple naissant ou bien lors de discussions entre copines. Si Yukino est très candide, Setsuko au contraire s'avère être expérimentée avec les femmes comme avec les hommes. Dérangée par ce fait, la plus jeune se pose beaucoup de questions, d'un côté ne se sentant pas assez bien pour Setsuko, de l'autre se demandant comment il est possible d'être attirée sexuellement par un homme. En effet, ayant été sexualisée dès son plus jeune âge en tant qu'idol, elle n'a fait que subir le regard des hommes sur son corps, entre les remarques déplacées, les demandes de poser nue et les garçons de son lycée se vantant de "se lâcher" sur ses photos. Son rapport aux hommes semble donc osciller entre dégoût et curiosité, et la jeune femme n'a de cesse de se questionner à leur sujet tout au long du tome.

Ce premier tome d'Octave se présente donc comme le très bon début d'une série yuri mature et touchante dont on sent tout le potentiel. A mi-chemin entre une romance salvatrice et un mélange captivant entre sexe, solitude et espoirs déçus, la mangaka pose dans ce volume les bases d'un couple aussi complexe qu'attachant. On a hâte de voir se construire leur relation et d'observer l'évolution de Yukino, qui, on l'espère, parviendra à guérir ses blessures, trouver sa voie et trouver le bonheur aux côtés de Setsuko. Le suspens ne sera pas long puisque la sortie du deuxième tome est prévue jeudi prochain chez Taifu !