Synopsis :
Après s'être fait voler son argent par son associé, Kuga se tient sur le toit. Sans trouver le courage de sauter, la faim prend le dessus. Il pense alors à son premier amour et finit par renoncer. Avec l'aide de son ami détective, il part à la recherche de cet homme, Mitsuru. C'est alors qu'il le retrouve... dans un club de strip-tease perdu dans les bas-fonds de la ville !
Un homme naïf, au fond du trou, sans emploi et divorcé, et un ancien beau gosse: l'histoire d'amour de deux quarantenaires !
-Boy's Love-
Ravie de voir enfin sortir en France un manga boy's love dont les protagonistes n'ont pas entre 15 et 25 ans, c'est avec entrain que je me suis lancée dans la lecture de
Ma Raison de Vivre de
KASAI Uka, autrice qui m'était jusqu'ici inconnue.
Dès la couverture, on pressent toute la mélancolie dont sera emprunt ce titre flirtant entre regret et acceptation de soi. Ici, pas d'histoire mignonne à l'eau de rose ni de scènes attendrissantes : globalement, les choses ne sont pas enjolivées et le rendu du scénario comme du dessin est brut et sincère. On n'assiste pas à des retrouvailles émouvantes mais seulement à beaucoup de stress, de crainte et de rejet de l'autre... comme de soi. Les deux personnages ne sont pas en paix avec leur passé et cherchent non pas à pardonner l'autre, mais à se pardonner eux-mêmes. Tous deux plongés dans la dépression, ils sont persuadés d'avoir ratés leur vie et de ne plus avoir aucune raison de continuer leurs existences pénibles. Les envies de suicide entre deux cigarettes ne manquent pas aux personnages, le passage à l'acte de début de tome tient à un fil, tout comme les maigres souvenirs heureux auxquels Kuga tente de se raccrocher pour s'en sortir.
Les thèmes abordés sont donc on ne peut plus sérieux, mais l'autrice réussit à apporter des touches de légèreté à ce tome grâce à la présence de personnages féminins attachants qui jouent un réel rôle dans le scénario (chose assez rare dans les yaoi pour être soulignée). On nous montre toute une facette de la vie quotidienne des personnages, employé.e.s d'un club de strip-tease à l'ambiance très familiale et aux danseuses pleines de charme et dessinées avec soin. Les scènes où Kuga peine à faire la lessive et le ménage et ne sait pas comment s'y prendre, étant donné que sa femme faisait tout à la maison, m'ont fait lâcher un petit rire moqueur. Cependant, on assiste à un certain nombre de scènes d'affrontement avec des yakuzas, qui certes font avancer le scénario, mais ne rapprochent que peu nos deux personnages, et souvent de façon assez prévisible (Kuga cherche à protéger Mitsuru, qui ne s'énerve que lorsque c'est Kuga qui se fait frapper, etc).
Dans sa postface,
KASAI Uka nous confie regretter de n'avoir pu faire qu'un seul tome de cette histoire, et annonce qu'elle compte bien la développer dans une suite et une préquelle. En effet, on reste clairement sur notre faim avec ce one-shot : certes les personnages finissent par se réconcilier, se pardonnent et s'acceptent, voire commencent à retrouver le goût de vivre ; mais leur relation n'en reste pas moins qu'à ses prémices. Il n'est pas survenu grand chose entre eux et on a l'impression qu'ils ont passé le plus clair du temps à s'éviter. Malgré la maturité du tome, celui-ci ne nous offre aucune scène sensuelle entre les protagonistes, dont la relation est pour le moment aussi platonique que celles des deux lycéens qu'ils étaient 30 ans auparavant. La fin, symbolique mais ouverte, nous laisse avec beaucoup de questions : réussiront-ils à s'aimer de nouveau et à être heureux ? Seront-ils séparés par les aléas de leur vie d'adulte, puisque Kuga doit rentrer quelques temps dans son ancienne ville à cause du procès de son ex-associé ? Même si la boucle du développement des personnages est bouclée, celle de relation, à mon sens, ne l'est pas.
Au final,
Ma Raison de Vivre est un one-shot dont le style de couple se fait assez rare pour être apprécié, et qui n'a pas déçu mes attentes quant à son niveau de maturité. Le trait de l'autrice, plutôt anguleux et brut, convient très bien aux personnages et au scénario. Bien que la relation de Kuga et Mitsuru n'avance pas assez à mon goût pour un one-shot, j'espère grandement que l'autrice réussira à publier la suite au Japon et que celle-ci sera également éditée en France ! Et, si j'espère une suite, c'est que j'ai forcément passé un bon moment en lisant ce tome, que je ne peux que vous recommander.