Qui a dit que les pratiques cérébrales n’étaient pas du sport ? Certainement pas les joueurs de karuta ! Cette pratique allie mémorisation, stratégie et rapidité et se fonde sur l’apprentissage du Hyakunin Isshu, une anthologie de cent poèmes de différents auteurs nippons. Bref, l’alliage parfait entre onirisme des traditions et dynamisme du corps. Et c’est le premier sujet de Chihayafuru !
Synopsis :
Chihaya a un but dans la vie : devenir championne mondiale de karuta, jeu de carte traditionnel japonais ! Sa passion remonte à l’enfance où elle jouait en compagnie de Arata et Taichi. Aujourd’hui au lycée, Chihaya continue à gravir les grades du monde professionnel du jeu dans l’espoir de croiser à nouveau celui qui lui a communiqué son amour du jeu, Arata ! D’entraînements en compétitions, des liens forts vont se lier entre les membres du club créé par Chihaya, et chacun se découvrira des capacités insoupçonnées.
- Pika -
Chihayafuru est un josei écrit et dessiné par SUETSUGU Yuki, qui s’illustre par de nombreuses qualités. Qu’on se le dise, cette chronique ne sera aucunement objective étant donné qu’il s’agit de l’une de mes séries préférées.
Il s’agit aussi de l’un des rares joseis sportifs qui met aussi bien en avant des femmes que des hommes et qui, en plus, s’étale sur la longueur. Quarante-deux tomes sont parus au Japon, dont le vingt-neuvième paraîtra en France à la fin du mois. Selon une interview récente à propos de la troisième saison qui sortira en octobre, l’autrice a annoncé que Chihayafuru prendrait fin presque en même temps.
Chihayafuru s’affirme comme un manga de sport, et pas n’importe lequel : le karuta de compétition. Pour ceux qui le découvrent, pas de panique, l’autrice l’aborde sous tous ses angles dans les premiers tomes : beauté et sens des poèmes, stratégies et forme physique. Bien sûr, à l’image de son trait, c’est avec douceur qu’elle nous imprègne des règles du karuta et de ses enjeux. Chihayafuru est un titre humble qui accompagne son lecteur pour découvrir un sport de niche et passionnant.
C’est aussi grâce aux personnages et à leur caractère unique que l’on peut découvrir le karuta sans peine. La fougue de Chihaya, le leadership de Taichi, le don d’Arata, l’amour de la tradition de Kanade, l’observation de bûcheur, le sadisme de SUDŌ… Bref, autant de joueurs, confirmés ou débutants que vous aurez l’occasion de découvrir, de voir évoluer et auprès desquels vous identifier. Il va sans dire que leur personnalité se reflète dans leur manière d’aimer le karuta et que leurs schémas d’apprentissage seront différents. Tous se confrontent à des embûches, se heurtent à des obstacles, parfois à des murs… sans oublier qu’en chacun de ces sportifs s’expriment des lycéens ou des adultes qui cherchent à s’affirmer ou à réaliser leur rêve. Oui, on développe tout ça dans Chihayafuru. C'est aussi ce panel impressionnant et attachant de personnalités qui permet de dynamiser les matchs de karuta et leur rythme effréné.
Aux différents sens de la stratégie des joueurs s’ajoute la délicatesse du dessin de SUETSUGU Yuki. L’expression « au bout du geste » s’applique à la perfection aux actions pour attraper les cartes et leurs envols : des orteils jusqu’au bout des doigts, les personnages semblent se mouvoir sur le papier et les cartes sortir des pages pour traverser la pièce. Petit à petit, on en parvient même à savoir quel joueur a l’ascendant sur l’autre et à distinguer les atouts de chacun. Il en résulte des tournois qui ne sont jamais trop longs à suivre, même quand ils durent deux tomes. On peut affirmer que chaque instant consacré au karuta est destiné à le sublimer. Et, soyons francs, on finit par avoir envie d’encourager tous les personnages.
Car leur vie quotidienne vient compléter l’histoire, relevant les qualités, les défauts ainsi que les évolutions de chacun. On se délecte de chacun de ces instants qui leur permet de développer leur mental ou leurs relations et nous permettent de mieux les connaître. Toujours grâce à la finesse de SUETSUGU Yuki, les romances et autres sentiments n’entravent pas de manière aléatoire la narration et ne perturbent pas de façon démesurée les dons de chacun. C’est que l’on a affaire à de vrais sportifs passionnés ! Aussi, les émotions délivrées pendant les matchs sont si intenses que ces quelques moments simples et intimes suffisent à homogénéiser l’histoire pour dresser des portraits efficaces et réels, tout en imposant un rythme précis à ce manga.
Chihayafuru, c’est un manga qui appelle au rêve, au dépassement de soi et à la découverte de la culture nippone. Les poèmes sont présentés aux moments les plus opportuns et avec, toujours, beaucoup d’amour pour l’anthologie. SUETSUGU Yuki réalise un véritable travail d’équilibriste en réunissant, dans une seule œuvre, de la poésie, du sport et de la tranche de vie. Et le pari est réussi ! Chaque tome du manga prend aux tripes, on tremble à l’idée que telle ou telle carte sera lue ou bien encore à chaque victoire ou défaite des personnages. En bref, Chihayafuru, c’est un manga addictif et passionnant !
Pour information, les saisons 1 et 2 retracent dix-sept tomes du manga.
Source interview : https://www.animenewsnetwork.com/news/2019-02-27/chihayafuru-creator-manga-will-not-end-until-at-least-october/.143926