En février,
nous vous parlions d’Arte, héroïne féministe et courageuse du manga d’
ŌKUBO Kei, publié chez
Komikku. Aujourd’hui, on remet le couvert avec l’adaptation animée du manga
Shirayuki aux cheveux rouges, comptant deux saisons disponibles chez
Anime Digital Network en VOD et chez
Kazé en Blu-Ray et DVD.
Shirayuki aux cheveux rouges est l’histoire d’une jeune pharmacienne à son compte et élevée par ses grands-parents. Sa passion pour son métier mêlée à sa gentillesse et à sa modestie lui ont permis de trouver sa place au sein de la capitale du royaume de Tanbarun. Néanmoins, ce ne sont pas ses qualités médicales qui font le plus parler d’elle, mais sa chevelure rouge, semblable à la couleur d’une belle pomme. Cette caractéristique lui vaudra d’être convoitée par le prince pourri-gâté de son royaume,
SHENAZARD Raji, alors même qu’ils ne se connaissent pas. Peu désireuse de le rencontrer dans ces conditions, elle fuit son pays et tombe par hasard sur
Zen, qui l’aidera à ne pas se soumettre à son emprise et à conserver son indépendance. Elle se lie d’amitié avec lui et apprendra, peu de temps après, qu’il s’agit du prince du royaume de Clariness, dans lequel elle vient de mettre les pieds.
Bah… Ils sont où les sept nains ? Si
Shirayuki aux cheveux rouges a été annoncé comme étant une réadaptation de Blanche-Neige, l’œuvre n’en garde que le nom de l’héroïne* et un caméo de la pomme empoisonnée. Il s’agit avant tout de s’éprendre de la relation amoureuse naissante entre la jeune pharmacienne courageuse et son prince charmant. C’est parti pour la découverte d’un nouvel univers médiéval !
Extrait de l'épisode 1 Saison 1 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
Shirayuki, c’est d’abord l’histoire de cette pharmacienne indépendante à la chevelure rouge pomme. Aussi, bien qu’elle soit l’héroïne d’un shôjo, son personnage s’émancipe des poncifs habituels, amenant une bonne bouffée d’air frais au genre. En effet,
Shirayuki c’est d’abord une jeune femme qui cherche à réaliser ce qu’elle entreprend par elle-même, sans piston, et avec culot. De fait, bien qu’évoluant dans un monde médiéval-fantastique, elle est loin du stéréotype de la princesse en détresse postée dans son donjon et attendant que tout lui tombe dans les bras. Non. Elle écarte les obstacles un par un sans que son prince charmant n’ait à intervenir et n’hésite pas à se servir de son savoir pour se sortir de tous les pétrins dans lesquels elle se fourre. Mieux encore, au-delà de son apprentissage et de son côté travailleur, elle se rend constamment utile auprès de ses comparses. Vous l'aurez compris, elle n'est pas une potiche.
Néanmoins, afin de pouvoir lui permettre d’évoluer et de faire avancer l’histoire on peut reprocher l’emploi de quelques raccourcis scénaristiques. On en notera essentiellement deux :
- Le fait que le monde entier semble tourner autour de
Shirayuki alors qu’elle n’est qu’une pharmacienne, pas la sauveuse du dit monde ;
- Les missions sur lesquelles elle est envoyée en tant que pharmacienne auraient sans doute mieux convenues à des personnes plus expérimentées.
Bon, après, c’est vraiment pour être tatillon car, dans l’ensemble, ce sont les situations antérieures qui provoquent cet effet « nombril du monde ». Et, disons-le, l’œuvre aurait sûrement souffert de longueurs dans le scénario si ces mises en place avaient davantage été développées, là où d’autres œuvres gagnent en richesse. De fait, le rythme de l’histoire et même l’évolution de l’idylle amoureuse restent dynamiques et
Shirayuki et ses ambitions ne nous laissent que peu de répits.
Extrait de l'épisode 1 Saison 1 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
Et que serait cette œuvre sans le développement de la relation entre
Shirayuki et
Zen ? Bon, en vérité, elle tient la route sans cela, mais on reviendra dessus juste après. Les deux protagonistes restent honnêtes envers eux-mêmes et envers l’un et l’autre, rendant le développement de leurs liens fluide et satisfaisant. On ne se perd pas dans des « je t’aime moi non plus » ou dans d’autres longueurs inutiles, souvent frustrantes pour le spectateur. Aussi, si leur relation ne se met pas en place du jour au lendemain, elle prend le temps de se tisser au gré de leurs aventures, lui apportant plus de crédibilité. En effet, les obstacles qu’ils devront affronter sont aussi nombreux : devoir princier, classes sociales incompatibles, image de chacun et respect de leurs ambitions respectives… Tous ces éléments nous amènent, pour une fois, à apprécier que leur histoire d’amour évolue lentement, de manière à ce que l’on puisse s’imprégner de toutes leurs qualités pour s’attacher à ce couple. Le seul regret que nous pourrions avoir vis-à-vis de cette relation, c'est qu'elle a tendance à prendre le pas sur la découverte de l'univers mais, s'agissant du sujet principal de l'œuvre, on ne peut pas vraiment le reprocher.
Concernant
Zen, il est clairement LE Prince Charmant idéal : beau, responsable, humble, toujours prêt à aider les autres, habile à l’épée et éloquent. Pour le coup, on aurait pu écrire un traité de « Comment être le Parfait Prince Charmant ? » rien qu’avec ce personnage. Attention, cela ne veut pas dire qu’il en devient inintéressant. Après tout, il est l’élément déclencheur du nouvel avenir de
Shirayuki. Aussi, en bon prince, il respecte ses décisions et son indépendance. À aucun moment il n’interviendra sans son accord, sans qu’elle n’ait vraiment besoin de lui. Mais, au-delà de son idylle avec l’héroïne,
Zen est la porte qui nous permet de découvrir leur monde, son système politique, son quotidien et les préceptes qui le régissent. Autre axe intéressant d’un point de vue de développement personnel, il reste un Prince en quête d’acceptation auprès des siens, ce qui ne manque pas de dévoiler sa fragilité cachée derrière sa façade assurée qu’il ne dévoile qu’à ses êtres chers.
Extrait de l'épisode 1 Saison 2 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
Cette façade est d’ailleurs bien entretenue par ses chevaliers et gardes du corps —
Mitsuhide et
Kiki — dont les rôles ne sont malheureusement pas plus développés dans la série. Pourtant, leurs passés sont parfois évoqués, nous teasant de futures aventures qui, au terme des deux saisons, n’arriveront pas. Inutile d’espérer. Il en est de même pour le personnage d’
Obi — analogue du bûcheron —, mercenaire qui gagnerait beaucoup à être découvert. Encore plus que pour
Mitsuhide et
Kiki, l’on nous laisse entrevoir des bribes de son passé, cachant l’un des
backgrounds les plus intéressants de la série pour le personnage secondaire le plus développé. Aussi, malgré le fait qu’il soit le seul personnage secondaire à réellement bénéficier d’un arc qui lui est consacré, son histoire est complètement survolée et on n’en apprendra pas bien plus… Dommage. On peut aussi mentionner
Ryû, le maître d’apprentissage de
Shirayuki, dont on sait qu’il est un petit génie de son domaine et… c’est tout. Pourtant, on sent bien que quelque-chose sommeille en lui, mais non, son histoire est tue. C’est d’ailleurs le ressenti général que l’on peut avoir pour tous les personnages secondaires. Du coup, on se retrouve à ne plus savoir sur quel pied danser avec eux, alors même qu’ils évoluent et sans lesquels l’histoire de
Shirayuki aux cheveux rouges ne pourraient continuer. On se retrouve à la fois triste pour eux d’être délaissés à ce point et indifférent à leur sort, n’ayant que peu d’éléments pour s’attacher vraiment. Bien sûr, la série manga, dont il est adapté, compte actuellement
dix-sept tomes et on est en droit d’espérer d’en apprendre plus à leur propos par la suite.
Extrait de l'épisode 11 Saison 2 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
On le disait un peu plus tôt, l’univers de
Shirayuki tient largement la route, au-delà de l’histoire d’amour — si délicieuse à suivre — entre l’héroïne et le prince
Zen. Aussi, même si les événements secondaires sont là pour servir à nourrir cette histoire, il n’en reste pas moins que les thèmes évoqués sont nombreux. Et, pour les aborder avec plus de facilités, quoi de mieux que d’illustrer chacun d’eux au travers de chacun des personnages ? On retrouvera donc un mercenaire au sombre passé, un noble déchu, une tribu en désaccord avec le propriétaire terrien, et cætera, et cætera.
AKIZUKI Sorata l’a d’ailleurs joué finaude sur ce point, proposant des archétypes assez inédits ou peu usités, apportant toujours plus de fraîcheur dans ce milieu aux personnages, encore une fois, souvent trop stéréotypés. Aussi, malgré de brèves apparitions et une ligne directrice bien définie, ils n’en restent pas moins dotés d’une forte personnalité et d’un rôle à jouer – non des moindres – dans le scénario. Pour autant, ils n’en deviennent pas particulièrement attachants et on aurait préféré que cette attention eût été portée sur les personnages secondaires plus importants, malgré leur intérêt certain.
Extrait de l'épisode 4 Saison 1 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
Autre petit bémol : l’animation. On regrette un peu de ne pas assister à des combats à l’épée plus travaillés, qui ont pourtant le potentiel de devenir des scènes marquantes. Peut-être que cette remarque est aussi due à la comparaison que je peux en faire avec
Yona, Princesse de l’Aube – un shôjo d’aventure et romantique, avec pour protagoniste une jeune fille aux cheveux rouges également – sorti seulement une saison avant et dans lequel ces mêmes scènes sont magnifiquement exécutées. Bien sûr, seule la proximité des deux sorties et les similarités des chevelures des deux héroïnes appellent à la comparaison. Autrement, il est clair elle ne tient pas forcément la route : d’un côté, nous avons une princesse qui part à la reconquête de son royaume, de l’autre une pharmacienne voulant évoluer dans son métier auprès de son prince. Mais les quelques ressemblances entre les héroïnes et le fait que les deux séries soient sorties l'une après l'autre n'ont pu m'empêcher de les comparer. Ce petit effort sur l’animation de certaines scènes dynamiques, aurait notamment été apprécié durant la première saison. Pour autant, le visuel est loin d’être délaissé. Le
chara-design est très propre, les détails apportés à chacun appréciés, leurs expressions facilement traduisibles pour le spectateur. Aussi, on adore l’attention portée aux vêtements des personnages féminins qui, s’ils font partie de l’armée (ou non), ne se retrouvent pas avec des couches en moins. Au-delà des personnages, les décors sont sublimes, qu’il s’agisse des détails d’une clairière en forêt en passant par le nombre et la qualité des toits des villes que l’on surplombe. D’une manière générale, les couleurs des champs fleuris, les fleurs et les jeux de lumière sont traités avec beaucoup de précautions, apportant de la poésie à cet univers médiéval. Cette même précaution est largement traduite par la beauté du château de la famille
WISTARIA et de l’ensemble de ses bâtiments. Toute son architecture a été pensée logiquement et les décors intérieurs sont ceux que l’on peut attendre de tels espaces et de pièces dans lesquelles on traite d’affaires politiques. Le même constat peut être observé pour ce qui est de celui du prince
SHENAZARD. Bref, aucune architecture n’est laissée au hasard et on nous met au parfum dès le premier épisode.
Extrait de l'épisode 2 Saison 2 © BONES, © Kazé, ©Anime Digital Network
Concernant l’OST… Mais quelle douceur. On y retrouve toute l’ambiance d’un conte (celui de Blanche-Neige, au pif), avec ses doux violons et ses flûtes aux notes joyeuses et dansantes. Bref, de la fraîcheur sans niaiserie et de la joie de vivre offerte gracieusement par
ŌSHIMA Michiru. Elle est dans la continuité de ce qu’est cet animé, sans jamais dénoter : de la poésie, de l’onirisme. Merci pour ces doux moments.
En conclusion,
Shirayuki aux cheveux rouges ouvre une nouvelle fenêtre sur le style shôjo qui a tendance à s’enfermer dans un univers caricatural. On nous présente une héroïne forte et réfléchie, capable de repousser tous les obstacles qui se présentent à elle, seule (exception faite au couteau sous la gorge). Aussi, l’impression de naïveté qui a tendance à faire défaut à beaucoup d’œuvres est, dans
Shirayuki aux cheveux rouges, transformée en poésie, pour notre plus grand bonheur. On se laisse enchanter par l’univers onirique, charmer par les héros et leur idylle et troubler par des personnages secondaires atypiques. Bien sûr, on n’oublie pas de mentionner les quelques raccourcis scénaristiques et la qualité irrégulière de l’animation mais, en tout honnêteté, ces détails sont rapidement effacés par les nombreuses qualités de cet animé.
*Shirayuki est la traduction japonaise de Blanche-Neige.