Pour la sortie du manga
Secret de
TONOGAI Yoshiki, les éditions
Ki-oon ont proposé un coffret contenant le premier tome et le film
Judge, adaptation live de la
précédente œuvre de l'auteur, que je n’ai pas lue…
Réalisée et écrite par
KOHATSU Yō, cette adaptation libre de
Judge met en scène sept personnes prisonnières d'un jeu macabre où ils devront choisir par vote, dans un temps imparti, lequel d'entre eux doit mourir. Pour les aider dans leur choix, chacun d’eux peut demander la lecture du dossier des participants, révélant ainsi leur crime. Après chaque délibération et exécution, un compte à rebours plus court se lance, réduisant le temps de réflexion et de concertation des protagonistes.
Dans un premier temps, chacun des prisonniers porte un masque d’animal symbolisant leur pêché : le lapin pour la luxure, l’ours pour la paresse, le lion pour l’orgueil…
Parmi ces sept personnages, trois se démarquent rapidement : le loup, le lion et le renard, interprétés respectivement par
SETO Kōji (
Sadako 3D,
Lost Days),
ARIMURA Kasumi (
3 Gatsu no Lion,
Erased) et
SATŌ Jirō (
Aoi Honō,
Joshizu) :
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Le loup sort rapidement du lot par sa volonté de ne vouloir tuer personne, ce qui accroît rapidement l’attachement du spectateur pour lui. Il trouve d’ailleurs une faille dans le règlement : en cas d’égalité parfaite, chacun d’eux votant que leur propre crime est le plus impardonnable, aucun ne sera exécuté. Mais, même si, en théorie, ce raisonnement fonctionne, cela signifie aussi qu’il faut avoir une confiance totale en tous les participants, puisqu’à la moindre trahison, un seul vote pourra les tuer…
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Le lion, ou plutôt la lionne, a la particularité d’être une ancienne célébrité ayant même tourné dans des séries télé. Le fait que tout le monde semble l’avoir déjà vue fait qu’elle est le seul point commun entre les prisonniers.
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Le renard, quant à lui, est plus insidieux… Il possède un certain talent d’orateur et une bonne capacité d’analyse, ce qui lui permet de devenir une sorte de leader pour le groupe. Cela lui permet également de comprendre les intentions des gens qui l’entourent, parvenant ainsi à tourner les situations à son avantage.
Comme vous l’aurez remarqué, les personnages ne sont pas explicitement nommés, préférant utiliser le nom de l’animal de leur masque. Ceci est sûrement un travail de dépersonnification voulue, afin que le jugement et la sentence de mort soient moins durs à encaisser pour le spectateur.
En effet, la réalisation est telle qu’on a l’impression de faire partie intégrante du procès grâce à la mise en place d’une sorte de
found-footage (
Projet Blair Witch,
Paranormal Activity). J'entends par cela que, bien que plusieurs caméras soient présentes, toutes le sont dans la diégèse du film et tous les protagonistes sont conscients d'être filmés.
De plus, l’absence de montage, du moins, le fait que celui-ci fasse partie prenante du récit, renforce l’impression du spectateur d’assister à la scène.
Nous sentons qu’une sorte de
maître du jeu contrôle les caméras et essaye de nous montrer les passages intéressants de la meilleure façon possible. Il utilise alors les zooms des objectifs – dont on entend le mécanisme fonctionner – ou navigue entre les caméras présentes dans la pièce. Notons que celle diffusant les images change de manière assez particulière, passant d'un objectif à un autre en laissant parfois passer des images montrant des emplacements où il ne se passe rien de particulier… pour finalement parvenir à obtenir les deux protagonistes en discussion dans le même cadre. De plus, ces passages rapides d’une caméra à une autre, font monter la tension pour le téléspectateur en quête des détails qui lui permettraient de déceler la suite de l’histoire.
Le procédé très original et astucieux rend le procès plus réel et nous place dans une position de voyeurs observant un procès macabre, en direct, sans jamais qu’il nous prenne l’envie d’aider les désignés coupables. Bien au contraire, seul notre souhait de découvrir qui va y survivre ou pas est alimenté. Toutefois, deux défauts issus de ce procédé peuvent être relevés : la qualité de l’image et le cadre, dans un but de réalisme, ont un
aliasing très présent, l’image étant constamment recouverte de traits. Ces derniers ne gênent pas la lecture mais donnent une forte impression d’amateurisme dans la réalisation. Bien sûr, cet
aliasing a pour but d’illustrer que le film a été compressé avant de nous parvenir, justifiant une baisse de qualité pour une meilleure continuité de l’image. En ce qui concerne le cadre, il arrivera que, bien que la caméra choisie par le
MJ cadre les protagonistes en discussion, ceux-ci ne soient pas au centre de l’image, voire qu’ils soient légèrement coupés. Bien que pouvant perturber le spectateur, le but est encore une fois d’augmenter l’impression de réalisme du film. D’ailleurs, toutes les caméras n’ont pas un pied motorisé comme, par exemple, celles placées sur les masques. Le
MJ doit donc se contenter de ce qu’elles filment et il arrivera donc que le cadre ne soit pas parfait.
Si vous aimez le manga, les huis-clos ou les
found-footage, je ne peux que vous conseiller de voir ce film. En effet, bien que s’éloignant du manga d’origine, le scénario de Judge reste fidèle à son univers et vous pouvez le considérer comme étant le procès précédant ou succédant le manga. Le tout est servi par une réalisation osée, ingénieuse et réfléchie. Le mix huis-clos /
found-footage fonctionne très bien et donne un côté très réaliste aux scènes. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ce style ne s’est pas plus démocratisé… Les acteurs ne sont pas en reste,
SETO Kōji parvenant à nous montrer toute la colère qu’il essaye de canaliser ou
SATŌ Jirō sortant du registre comique dans lequel nous avons l’habitude de la retrouver.
Je conclurai ma chronique par mon avis sur la fin qui semble être un point assez litigieux, il va donc y avoir du spoil (sélectionnez pour lire) :
En ce qui me concerne, l’absence de réponse sur la survie ou non du protagoniste à la fin du film n’est pas un problème. En considérant que le système de vote qui apparaît à la fin représente l’avis des spectateurs du procès, comme vous. Aussi, celui-ci se coupant sur une égalité, c’est alors à vous de décider, par rapport à ce que vous venez de voir, si le protagoniste doit survivre ou non. J’en reviens d’ailleurs au fait que nous ne connaissons pas son prénom, ce qui nous permet de nous détacher d’une certaine empathie que nous pourrions avoir pour lui. Alors à vous de juger : Coupable ou Innocent ?