Perfect World s’est terminé en France fin mai. Une série en douze volumes, de
Aruga Rie, publiée dans nos contrées par Akata. Les titres de cet éditeur sont connus pour toujours être engagés envers les minorités, abordant la question du genre, de l’orientation sexuelle, de la maladie ou encore, comme c’est le cas ici, du handicap. Un catalogue que je ne sais que vous recommander.
Synopsis :
Tsugumi, à 26 ans, travaille au sein d'une entreprise de design d'intérieur. Un soir, lors d'une soirée de travail, quelle est sa surprise de retrouver autour de la table Ayukawa, son amour de lycée ! Mais depuis la fin de leurs études, le jeune homme, impliqué dans un accident, est en fauteuil roulant. Certaine que jamais elle n'aura la force (et l'envie) de fréquenter un homme "au corps amoindri", la jeune femme va pourtant sentir quelque chose bouger en elle…
Le monde de
Perfect World s’articule donc autour d’une relation amoureuse entre une valide et une personne à mobilité réduite (PMR). Les épreuves s’annoncent nombreuses, les erreurs blessantes, au point de toujours remettre en cause la sensibilité des personnages. Entre rejet de la société, intégration, maladie, stress et vie de couple, les obstacles ne manqueront pas de se dresser entre
Tsugumi et
Itsuki. Et ils ont beau être multiples, ils offrent une vision très réaliste de ce que peut être la vie d’un couple similaire.
Aruga Rie s’est minutieusement renseignée auprès de personnes concernées pour l’écriture de son manga : architectes, personnel médical, joueurs de basket-fauteuil… Elle n’a pas ménagé ses efforts et ça se ressent ! On peut ainsi, même si l'on n'est pas concernés par leur situation, se transposer à la place de nos chers héros.
De fait, au-delà de la romance, c'est une véritable ouverture sur le monde des PMR qiu nous est proposée, dans ses moments les plus frustrants ou de partage. Entre les hospitalisations, la vie de couple, la naïveté de
Tsugumi sur sa capacité à s’impliquer dans une relation avec une PMR et les moments plus doux – lors desquels
Itsuki peut déployer ses ailes – c’est une véritable palette d’émotions que l’on vit à la lecture de
Perfect World.
Aruga Rie nous balade au rythme qu’évolue la relation entre les héros mais aussi les personnages secondaires. Car, forcément, chacun veut protéger l’autre : il faudra accepter, se faire accepter et s’accepter.
Leur évolution est ainsi constante et, comme les vrais humains, il leur arrivera d’avoir à reculer pour mieux sauter, une fois qu’ils seront prêts. Ces mises à l’épreuve n’épargnent pas non plus les personnages secondaires qui, plus que des faire-valoir, développent aussi leur propre histoire. Certes, elle s’articule principalement autour de la relation inconstante de
Tsugumi et
Itsuki, mais leurs questionnements réussissent à franchir la frontière du scénario principal pour qu’ils puissent eux aussi mieux se construire.
Aruga Rie a donc vraiment réussi à rendre vivant tous ses personnages ! Et c'est ainsi qu'ils font autant palpiter nos cœurs qu’ils nous émeuvent – parfois aux larmes – tant ils se battent pour surmonter leurs propres combats.
Toutefois, trop d’émotions tue les émotions. Et c’est le seul reproche que j’aurais à faire à ce manga. Et encore, seulement sur les trois / quatre premiers tomes… Sans aller jusqu’à chercher la pitié du lecteur envers les personnages, les situations ont tendance à surdramatiser ce qui est déjà grave. À chaque péripétie, les personnages doivent plonger au fond du trou pour pouvoir mieux remonter la pente. Une fois, ça va. Deux fois, trois fois… ça commence à faire beaucoup. Heureusement, comme dit précédemment, les personnages sont vivants et ils apprennent : on ne tarde donc pas à quitter cette ambiance pour se concentrer sur leur évolution et leurs désirs. Une fois ce nouveau rythme trouvé, la narration s'équilibre et les sentiments deviennent plus sincères, les instants joyeux plus palpables.
Perfect World, c'est une romance adulte qui s'exprime au travers de la question du handicap. On s’émeut, beaucoup. On pleure aussi. Et, grâce à l’équilibre trouvé, on gagne en expérience. Car c’est le genre d’œuvre qui arrive à vous questionner sur vos propres capacités, sur vos sentiments et même sur votre avenir. On aime tous les personnages car ils ont tous quelque-chose à partager ou à nous apprendre, sans nous donner de leçon. Une belle romance, un moyen de se sensibiliser au handicap moteur, un dessin d’une douceur à vous bercer et des émotions… Quelle belle aventure !