Nous vous proposons une chronique du tome 5 de la série
Egregor, publié en France le 29 juillet 2020. Le scénario a été écrit par
Jay SKWAR et
les dessins réalisés par
KIM Jae-hwan.
Dans ce cinquième tome, la crise se poursuit et les événements vont de mal en pis. Les quatre protagonistes initiaux sont toujours éparpillés, tandis que les Égides restent aux prises avec leur combat contre les démons. Nous en apprenons cependant davantage sur Hatal et ce qu'il est devenu : à la recherche des pirates ayant tué ses proches, il est malgré lui pris dans le conflit de l'éclipse de sang. Quant à Foa, qui reste le personnage principal, il se lance à la recherche de sa mère.
Cet éclatement du récit est à la fois un point positif et un point négatif. D'un côté, cela permet de donner un certain rythme au scénario et de conserver la tension du lecteur, mais de l'autre, et au vu du nombre de protagonistes présentés, cela nous empêche de réellement nous immiscer dans l'intrigue et de nous accrocher aux personnages. Ce type de récit fait largement penser à Game of Thrones, par exemple : on suit le temps d'un chapitre le point de vue d'un personnages et quelques-unes de ses péripéties, mais dans ce manga, certains personnages s'en retrouvent malheureusement mis sur le banc de touche et, alors que la tension monte, on ne sait toujours pas ce qu'il advient d'eux. Cette frustration est à la fois une bonne chose dans le sens où elle permet au lecteur de rester en haleine et créé des attentes envers le scénario, mais c'est aussi un bon moyen de nous perdre. Dans ce cas précis, on est à la frontière fragile entre ces deux états. Un élément qui m'a aussi beaucoup rappelé Game of Thrones, c'est le cor et le nombre de ses signaux : un pour les alliés, deux pour les sauvageons/ennemis divers et trois pour les marcheurs blancs/faucheurs. Ces deux parallèles ne sont pas suffisants pour déduire une inspiration, mais trop peu anodins pour ne pas être remarqués.
C'est ce tome qui nous fait enfin entrevoir une explication sur le titre du manga, "
Le Souffle de la Foi", car c'est dans les moments difficiles qu'il faut avoir la foi. La situation à laquelle sont confrontés tous les personnages présentés est vraiment critique, l'auteur joue entre tension et suspens, garde le lecteur tendu et ne laisse présager que du malheur puisque les gentils sont en train de perdre. Pourtant, c'est bien dans de tels moments qu'il faut parvenir à garder la foi, avoir la conviction que tout peut s'améliorer et qu'il faut continuer de se battre jusqu'au bout. Par contre, je suis encore cynique sur un fait : la foi, en qui ou en quoi ? Pour l'instant le mystère reste entier, si ce n'est que le terme "égrégore" a lui aussi enfin fait son apparition dans le récit. Ce terme, loin d'être un barbarisme, possède bel et bien une définition précise : un concept désignant un esprit de groupe constitué par l'agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus unis dans un but bien défini. L'égrégore serait une personne, un individu. Sachant qu'ont déjà été mentionnés des héros et des reliques qui leur sont affiliées, on peut légitimement penser que viendra bientôt un personnage qui incarnera le héros, et en qui les humains pourront placer leurs prières.
J'apprécie particulièrement l'attention portée aux termes utilisés, tous semblent avoir un sens. Par exemple, le terme Égide lui-même qui fait référence à la mythologie grecque, c'est un bouclier, donc un protecteur. C'est d'autant plus intéressant de voir que ceux qui ont pour fonction celle de bouclier portent tous des noms d'armes mythiques ou légendaires : Caliburn, Durendal, Hauteclaire... On dit souvent que la meilleure défense, c'est l'attaque, et l'auteur semble nous proposer directement cette idée.
Cet opus est aussi l'occasion de perpétuer le talent de l'illustrateur. Bien que le scénario comme le récit soient par endroit perfectibles, le dessin et les graphismes de façon générale sont vraiment exceptionnels. On appréciera particulièrement ces quelques pages colorées en début de tome. Le dessin créé un dynamisme qui donne toute leur intensité aux moments d'action et sait insister sur les traits qu'il faut pour rendre le tout fluide et sensationnel. Je suis impressionné par le charisme et la prestance des personnages, tant des Égides comme Caliburn que des faucheurs. Mention spéciale tout de même pour le fait que le dessin et la quantité importante de texte restent en parfaite harmonie. L'histoire et les explications sont assez denses, ce qui fait d'
Egregor un manga assez lourd à lire, mais ce poids est largement contrebalancé par les images et dessins qui animent le tout.
Malgré le fait que l'immersion soit coupée par les va-et-vient incessants entre les points de vue, l'intrigue globale, elle, semble avancer. C'est ce genre d'histoire de Dark Fantasy que j'affectionne personnellement le plus, bien que cela manque parfois d'explications claires. Je reste sur ma faim concernant l'avancée du plan de l'Adoration, et j'attends donc la suite de la série avec une certaine impatience.