Attention, cette chronique porte sur une œuvre destinée à un public averti car elle contient des scènes particulièrement violentes ou sexuellement explicites.
Synopsis :
Lorsque Shintani surprend Kikuchi à voler de l’argent au casino où ils travaillent, il ne s’attend pas à ce que les choses dégénèrent autant. Incapable de le dénoncer, il finit lui aussi dans la liste des complices et doit affronter la vengeance de Sudô, la ""femme"" du propriétaire mafieux de l’établissement. Mais Sudô est étrangement magnanime à son égard ; en revanche, il réclame à Kikuchi une somme d’argent exorbitante. Shintani, qui a recueilli le garçon, est témoin de sa descente aux enfers : du vol à la prostitution, il sent bien que cette dette va lui être fatale. Shintani décide alors de négocier avec Sudô la liberté de Kikuchi. Mais saura-t-il payer le prix de sa compassion ? Sombrez avec Shintani sous l’impitoyable joug de son supérieur, et trouvez le réconfort auprès d’un chien errant que la chance a abandonné…
-Boy's Love-
Ce lundi, on se penche sur
A stray dog in the night, une série boy's love datant de quelques années et comptant actuellement trois tomes en France, seule oeuvre de
NOBARA Aiko sortie chez nous à ce jour. Son synopsis plus que sombre m'a incitée à commencer sa lecture, entre curiosité et appréhension. Si mon avis sur certains points reste mitigé, il est certain que le côté dramatique n'est ici pas en reste puisque la série s'avère même plus sombre que ce que nous laissait entendre son synopsis.
A stray dog in the night est un manga qu'il faut, je pense, lire à tête reposée. En effet, outre son côté violent, il n'est pas aisé d'"entrer dans l'histoire" : la mise en place du scénario me semble un peu maladroite, les personnages peuvent être difficiles à différencier au début, il faut parvenir à s'adapter au trait particulier de l'autrice, etc. Toute la tension et l'intensité des événements mettent aussi beaucoup de temps à se faire ressentir. Bref, le démarrage est lent, mais une fois ceci fait, il faut s'attendre à plonger complètement dans la série. Les choses croissent lentement mais sûrement, le scénario nous happe, les enjeux grandissent également au fur et à mesure que les personnages s'enfoncent dans la folie ; et c'est là, je pense, que j'ai pris conscience de tout le talent scénaristique de
NOBARA Aiko. La mise en place de l'univers est lente, si lente qu'on a l'impression de ne pas accrocher à l'histoire, jusqu'à ce qu'on réalise qu'on est en réalité passionnément plongé dedans.
Les personnages ont tous une vie de merde, et c'est bien là le point central du scénario. Si les trois hommes ont un passé différent, et souvent bien mystérieux, ils ont tous fini par fréquenter de mauvaises personnes et travailler pour des yakuzas, faute de pouvoir faire autre chose. On comprend vite que le romantisme n'est pas de mise et que tout ce à quoi on assistera dans cet univers yakuza volontairement fantasmé sera sale, dans tous les sens du terme.
A stray dog in the night est le récit de la descente aux enfers de trois jeunes hommes déjà brisés par la vie, au point parfois d'en perdre leur capacité à raisonner, à discerner le bien du mal.
Kikuchi, à travers la description de ses malheurs, est celui auquel on s'attache le plus. Déjà relégué aux plus basses échelles de la société, il n'a de cesse de prendre les mauvaises décisions pour tenter de s'en sortir, et ne parviendra qu'à toujours plus s'enfoncer dans le crime et l'immoralité. Sudô, quant à lui, joue le rôle de l'antagoniste face à l'histoire d'amour de Shintani et Kikuchi. Cependant, on se rend compte au fur et à mesure qu'on apprend à le connaître qu'il n'est pas mauvais, simplement aussi malheureux que les deux autres. Shintani, à l'inverse, nous semblait être le personnage le plus sensé, "normal" et raisonnable, mais le scénario nous réserve quelques surprises, que je vous laisse découvrir si vous choisissez de lire cette série.
Comme dit précédemment, le trait de l'autrice peut paraître un peu particulier. Son petit côté brouillon et tremblant nous demande un certain temps d'adaptation, mais j'ai personnellement fini par l'apprécier de plus en plus au fur et à mesure des chapitres. Il parvient à retranscrire avec pertinence l'ambiance du manga, et nous offre certaines planches marquantes, malgré le fait que certains personnages manquent selon moi de charisme, notamment Shintani. Rappel que ce titre est loin de pouvoir être mis entre toutes les mains étant donné son contenu explicite et très
borderline.
Si l'on devait retenir une seule chose de ces trois premiers tomes, ce serait sans doute leur violence. Physique, parfois, mais surtout psychologique. Dans cet univers où tout tourne autour de l'argent et du sexe, on ressent tout du long comme un malaise pesant, profond et caractéristique à l'environnement dans lequel les protagonistes évoluent. On a comme une conscience vague qu'absolument rien de ce qui se passe n'est sain, encore moins les relations romantiques entre les personnages, malgré leurs moments attendrissants. Leur attachement est bien réel, mais leurs sentiments et leur douceur sont au mieux malsains, au pire une simple illusion. Les protagonistes sont simplement fous et désespérés, rendus malades par une vie faite de malheur, de drames et de regrets. Torturés par un "besoin d'exister" et cherchant un sens à leur vie plus que tout autre chose, ils se complaisent finalement dans la folie des autres au sein de ce triangle amoureux très particulier. Leurs actions sont imprévisibles, et quand on pense que les choses ne pourront pas aller plus loin -au niveau sentimental comme sexuel- le scénario parvient toujours à nous surprendre.
A stray dog in the night, malgré son contenu qui n'hésite pas à repousser certaines barrières, reste un manga plein de regrets quant aux erreurs de la vie, et de sa violence émane toujours une certaine tristesse. Grâce à son trait singulier, son univers sombre et son scénario prenant malgré une narration lente au démarrage,
NOBARA Aiko a su créer une série qui ne laisse pas indifférent, en bien comme en mal. Le troisième tome nous offre une fin plus que perturbante et nous laisse entrevoir que le tome 4, sorti au Japon fin septembre dernier, risque d'être encore plus spécial que les trois précédents.