Ceux qui suivent ou qui connaissent des personnes qui sont allées au Festival International du Film d’Animation d’Annecy auront peut-être eu le même écho à propos de Les Enfants de la Mer : « c’est magnifique, mais je n’ai rien compris ! ».
Pour autant, faut-il passer à côté de ce film d’animation qu’Eurozoom nous a si chèrement amené en France ? Surtout pas ! On vous explique tout dans cette chronique !
Les Enfants de la Mer est un film d’animation japonais adaptant le manga en cinq tomes de IGARASHI Daisuke (à ce jour indisponible en France). Produit au sein du Studio 4°C, il est réalisé par WATANABE Ayumu, qui s’était brillamment illustré dans l’adaptation d’Après la Pluie. À la composition de la bande-son originale, HISAISHI Joe, rien que ça. Retrouvez toutes les infos détaillées du film sur notre news de mercredi : Les Enfants de la Mer au cinéma le 10 juillet
Synopsis :
« Ruka, jeune collégienne, vit avec sa mère avec qui elle ne s’entend pas toujours très bien. Elle se consacre à sa passion du handball. Hélas, elle se fait injustement exclure de son équipe le 1er jour des vacances. Furieuse et désœuvrée, elle erre dans la ville et décide de rendre visite à son père à l’aquarium où il travaille. Elle y rencontre un étrange garçon, Umi, qui joue avec les poissons dans un des bassins. Il semble avoir le don de communiquer avec les animaux aquatiques. Ruka est fascinée et se lie très vite d’amitié avec lui. Un soir, alors qu’ils sont tous deux au bord de l’eau, des évènements surnaturels se produisent. D’abord une pluie de météores, puis l’apparition de Sora, le frère de Umi. Tous deux sont orphelins et disent avoir été élevés par des Dugongs ! Sora confie à Ruka une météorite puis tout à coup, le garçon se couvre de particules lumineuses et disparaît dans l’océan ! Ruka décide alors de partir à sa recherche. Dans cette quête extraordinaire elle va faire la rencontre d’animaux fantastiques : requins, orques, et autres baleines. Elle comprendra enfin ce que lui avait dit Sora : la chaîne de vie commence et finit dans l’océan, notre mère à tous...
-Eurozoom- »
Les Enfants de la Mer dépeint une légende ancestrale et fantastique qui se déroule dans notre monde. Une ode à la vie ainsi qu’au monde marin à qui nous la devons. WATANABE Ayumu arrive à nous immerger dès les premiers instants dans son univers, en l’imprégnant d’actes anodins adolescents. Impossible d’en sortir, malgré l’introduction d’éléments plus qu’extraordinaires : les ancres laissées un peu partout pour nous rappeler à la réalité sont trop nombreuses. Des spécificités des créatures marines (technique de chasse…) aux phénomènes océaniques (plancton fluorescent…), tout a été recherché. Et comment ne pas les rattacher aux événements fantastiques du film quand ces derniers les magnifient avec une simplicité si déconcertante ? De fait, que des enfants sortis d’on ne sait où aient été élevés par des dugongs (les vaches de mer) semble tout naturel.
Et c’est ainsi que l’on se retrouve aspirés dans les méandres d’un conte philosophique qui file à toute allure. L’escalade entre l’acte collégien à cette légende impliquant l’univers est très rapide, mais reste pourtant lisible malgré le faible temps qui lui est imparti. On sent que certaines étapes sont brûlées, mais l’essentiel est là pour que l’histoire soit comprise. Nous, spectateurs, ne sommes d’ailleurs pas les seuls à être entraînés dans cette valse rapide : les personnages le sont bien avant nous.
La rencontre entre Ruka et Umi ©Studio 4°C ©Eurozoom
Ruka pense que son quotidien adolescent est bouleversé par sa mésaventure avec le club de handball. En rencontrant Umi et Sora, elle ne se doutait pas que sa vision du monde le serait d’autant plus. Si elle est à même de comprendre les événements, il est évident qu’elle n’y était pas préparée. À raison. Ruka ne peut que courir après les pièces du puzzle qui lui sont confiées au fur et à mesure de l’aventure. C’est ainsi qu’elle tente de démêler la légende dans laquelle elle se retrouve impliquée. Bien sûr, sa vision du monde ne change pas du tout au tout en l’espace de quelques secondes, mais s’échelonne en plusieurs étapes : la rivalité, l’ennui, l’ouverture aux autres, l’importance de la vie, jusqu’à… la prise de conscience universelle. L’escalade est ainsi vécue comme une tranche de sa vie, avec une réévaluation de ses problèmes et même une acquisition d’indépendance. Les décisions de Ruka nous entraînent dans son évolution et nous aident également à prendre du recul sur les métaphores laissées çà et là, relevant à quel point notre vision du monde peut changer au travers d’une simple rencontre.
Une bien étrange comète ©Studio 4°C ©Eurozoom
Si la légende peut sembler facile à comprendre, la façon dont elle est contée est emplie de symboles. Dans cet univers, la mer est un berceau abritant la vie, qu’elle ne peut transmettre que grâce à un contact avec l’espace. La cérémonie de la célébration de la vie, impliquant nos héros, concerne chaque être vivant dans la mer, même ceux dont on peine à soupçonner l’existence. Il est d’ailleurs difficile d’observer la cruauté de cette cérémonie qui attirent des êtres incapables de répondre à cet appel sans y laisser leur vie. Quant à nous, Humains, nous sommes placés en tant que spectateur, comme si nous n’étions que des embryons tout juste concernés par un spectacle insaisissable. Ainsi, alors que la Nature répond à ses Droits, nous sommes, comme toujours, confrontés à une réalité qui nous échappe. Les Enfants de la Mer met ainsi en scène un lien mystique tout particulier avec la Nature, que nous avons du mal à saisir. Les intentions de WATANABE Ayumu, qu’elles soient autour de la vie ou de la mort, savent saisir le spectateur aux tripes.
Un rôle central sous-estimé ©Studio 4°C ©Eurozoom
Pour revenir à l'effet « c’est magnifique, mais je n’ai rien compris ! », il faut dire que le sublime de ce film est la meilleure porte d'entrée pour chacun. D’ailleurs, c’est ce qui est encore le plus marquant dans Les Enfants de la Mer : les effets qui passent brillamment du naturel au psychédélique. Les images et l’animation sont sublimes autant que subliminales. Il nous suffit de quelques secondes pour identifier le caractère des personnages, tant les attentions sont portées sur les détails, sur les regards et les petits gestes qui en disent long. Il en est de même pour les animaux marins, entre douceur et violence des actes. L’ensemble est souligné par un retour aux sources de la musique de HISAISHI Joe. Pour cette bande-son, le compositeur, en accord avec les directions de WATANABE Ayumu, signe un ensemble de musiques minimales, dans lesquelles ne se mélangent que deux instruments en même temps, rarement plus. L’intensité des pistes n’en est que plus puissante et transporte avec aisance dans l’univers complexe des Les Enfants de la Mer.
Les Enfants de la Mer, c’est donc un conte philosophique et psychédélique qui a une porte d’entrée commune à tous : le sublime. L’on sent l’expérience de l’équipe de production dans les attentions portées sur les détails et qui nous font vibrer l’échine. La portée fantastique de l’œuvre s’allie aux messages qu'elle véhicule pour créer un film incomparable, à la fois écologique, social et universel.
On ne peut que vous recommander de le voir, juste pour que vous ressortiez des étoiles plein les yeux des salles sombres. D'ailleurs, à ce propos, voici les salles dans lesquelles le film sera disponible (clic pour les avoir en grand format !) :
Interview de WATANABE Ayumu à propos de la composition de la bande-son originale : Première
[RAPPEL : TENTEZ DE GAGNER UN LOT DE DEUX PLACES POUR ALLER VOIR LE FILM : Les Enfants de la Mer au cinéma le 10 juillet]