Disclaimer : cette chronique fait suite à un coup de cœur. La subjectivité de son autrice est donc inévitable.
La saison estivale nous a gâtés par la variété de ses thèmes et la qualité d’une bonne partie de ses séries. Ne pouvant trouver le temps de parler de chacune d’entre elles ou même de toutes les visionner, nous allons nous concentrer sur celle qui m’a le plus marquée : Made In Abyss, disponible chez Wakanim.
Les moins aventureux se seront peut-être arrêtés à son charadesign aux courbes enfantines et son univers pastel découverts dans le trailer. Pourtant, dès le premier épisode, de nombreux indices laissent présager une aventure bien plus poussée, avec un scénario riche en rebondissements. Tout cet ensemble sera confirmé par les génériques. Bon, c’est bien joli, mais pourquoi saoul vanter autant les mérites de cette série ? Eh bien parce que c’est un véritable outil à pièges scénaristiques et qu’ils ont tous été évités. Avec brio, qui plus est.
Le premier d’entre eux repose sur le synopsis. Made In Abyss nous conte l’histoire de Rico, une jeune Cavernière vivant dans un orphelinat ; la jeune fille est plutôt hyperactive et a tendance à enchaîner les punitions. Elle rêve de faire un jour partie de l’élite, les Sifflets Blancs explorant les tréfonds de l’Abysse mais, d’ici-là, elle a encore un long chemin à parcourir, encore Sifflet Rouge. Les événements l’amèneront rapidement à rencontrer un androïde amnésique aux capacités impressionnantes puis à partir explorer l’Abysse. Bon sang, où est-ce qu’on nous emmène ? Des fouilles archéologiques ? Un androïde ? Des reliques aux pouvoirs obscures ? On pourrait rapidement s’emmêler les pinceaux et penser qu’aucun de ces éléments ne collent avec les autres. Mais c’était sans compter sur la mise en place parfaitement exécutée du premier épisode : l’histoire de Made In Abyss est une quête initiatique fondée sur un univers complet dont les secrets nous seront dévoilés petit à petit.
Le deuxième est l’univers, construit par TSUKUSHI Akihito. Celui-ci est mystérieux en tout point. D’un côté, on a le noyau, cet Abysse autour duquel pléthores d’explorateurs plus ou moins chevronnés se sont installés. Le nombre d’inconnues est tellement grand que, malgré les années, les Caverniers sont encore en train de faire des découvertes. Les pouvoirs des monstres, leurs faiblesses et leur mode de vie sont encore méconnus, alors même que certains sont visibles depuis le sommet. De même, Made In Abyss introduit tout un nouveau monde, avec de nouveaux principes et une nouvelle société. Si cette création semble anecdotique, on s’attache tout de même rapidement à cet univers que l’on découvre aux côtés ou avec Rico et Légu. Toute l’histoire s’oriente autour de cet Abysse, cette terre inexplorée et qui fait rêver Rico. Cela nous en ferait presque oublier qu’il n’est qu’une île au milieu d’un océan. Du coup, une question vient nous tarauder l’esprit : dans quel monde nous situons-nous ? Le nôtre ? Un monde parallèle où d’autres phénomènes semblables existeraient ? Clairement, il ne s’agit pas du sujet de l’histoire (ou de cette saison), mais la question est posée, ce qui rend l’univers encore plus attrayant. Enfin, le dernier piège de l’univers était aussi de rendre cet Abysse crédible dans le fait qu’il soit impitoyable. L’idée d’instaurer ces malédictions qui touchent les explorateurs tient à la fois du génie et d’un cynisme absolu. S’agit-il de punir les plus curieux ? Récompenser les plus costauds ? Conserver des secrets ? Les gimmicks concernant la construction de ce système sont nombreux mais dosés à la perfection, donnant cette impression de monde complètement nouveau. Je ne m’étalerai pas plus dessus au risque de spoiler.
Le troisième piège est celui des personnages. Confier de si grandes responsabilités à des enfants n’est jamais une mince affaire pour des auteurs ou scénaristes. Qu’est-ce qu’il leur est possible de faire ou non, comment ils l’accompliront et, surtout, pour quelle raison. La définition du cheminement de pensée et des pouvoirs d’un personnage est primordiale pour le rendre à la fois crédible et attachant. Ici, Rico répond à l’archétype de la jeune fille pleine d’énergie et qui a soif d’aventure. On se doute qu’elle va s’empêtrer dans un bourbier pas possible. Mais c’est la façon dont elle s’en sort (ou pas) qui est travaillée intelligemment. Rico a beau être une héroïne, brave, qui ne recule devant rien, elle reste une enfant subissant tous les travers de l’Abysse et ses malédictions. De même, les secrets qui l’entourent lui enlèvent sa touche d’innocence à laquelle elle tente de se rattacher, notamment dans sa relation avec Légu. À propos de ce dernier, l’histoire d’un énième héros amnésique aurait pu être celle de trop. Que nenni ! Légu a une personnalité très attachante, très humaine, qui présage nombre de pistes quant à ses origines. De même, les bribes de mémoire que l’on nous laisse entrevoir nous donnent envie d’en apprendre davantage à son propos, de pousser toujours plus loin. Toujours à propos des personnages, je parlais plus tôt de quête initiatique, un genre que j’affectionne particulièrement. Nous suivons celles des deux protagonistes, l’un en quête de lui-même, l’autre en quête de ses racines. La nuance est faible, mais elle a le mérite d’exister car elle est la cause de ce qui les fera évoluer de façon distincte. Ainsi, on ne se retrouve pas avec une quête unique, un protagoniste et son second, diversifiant l’histoire et les enjeux présentés. Je ne me pencherai pas sur le cas de Nanatchy qui ne vient que tard dans l’animé, mais elle n’en reste pas moins un personnage fabuleux et introduit avec finesse et violence, dont le background est des plus intéressants. Idem pour Ozen, personnage charismatique et dont on a envie d'en savoir toujours plus.
Enfin, le dernier est celui de l’immersion du spectateur. Elle aurait pu être un échec si les éléments cités précédemment ne concordaient pas les uns avec les autres. Et, comme précisé, ce n’était pas gagné d’avance car, encore une fois, le mélange enfance, cynisme et drame est souvent mal dosé. Alors qu’est-ce qui nous donne envie de continuer à explorer ce monde aux côtés de Rico et de Légu ? La réponse est donnée : la poésie. La façon dont sont dessinés et animés les monstres, les passés de chacun et leur avenir qui se profilent… Tout est placé dans le domaine de l’onirisme. La bande-son composée par PENKIN Kevin (Under the Dog) le démontre bien, berçant constamment le spectateur, sans jamais le brusquer, même pendant les scènes d’action. De même, durant les scènes plus quotidiennes, la bande-son ne tire jamais vers les accès de joie qui pourrait nous sortir de notre immersion.
Toujours pour rester dans cette poésie, les monstres sont magnifiques, malgré leur cruauté. Ils sont à l’image de ce monde : nous invitant à le découvrir, pour ensuite mieux nous dévorer. On notera l’animation particulière de certains d’entre eux, qui donne l’impression qu’ils appartiennent à un autre monde tant leur apparence diffère de ce que l’on peut percevoir.