Vous souvenez-vous des contes et des légendes que nos parents nous lisaient avant de dormir ? Ou même de votre tout premier roman pour lequel vous aviez un rapport de lecture à écrire ? Et si vous vous replongiez aujourd’hui dans ces œuvres ? Et si un livre vous donnait l’envie d’en lire d’autres ?
Le Maître des Livres, c’est l’histoire d’une petite bibliothèque, la Rose Trémière, qui se consacre à la littérature pour enfants. Mais attention, car, si du mal vous en dites, vous serez rapidement corrigés par Mikoshiba, le bibliothécaire aigri mais passionné. C’est ce qui est arrivé à MIYAMOTO, salarié dans une grande entreprise qui a perdu de vue le but de sa vie. Il tombe sur la bibliothèque un peu par hasard, après une soirée arrosée entre collègues. D’abord rebuté par le comportement de Mikoshiba, il va rapidement devenir un habitué des lieux, se découvrant une passion pour la littérature enfantine qui lui a été salvatrice. Au cours des tomes, divers personnages vont vivre la même aventure, nous entraînant dans le quotidien de chacun d’entre eux et de celui de ce lieu si particulier. Rien de bien extraordinaire, pensez-vous.
Détrompez-vous ! S’il est vrai que Le Maître des Livres n’a pas la prétention de renouveler le genre, ce manga s’illustre parfaitement en tant qu’œuvre intimiste et immersive, s’appuyant sur la découverte de l’univers libraire et de tranches de vies. Ce qui fait sa particularité, c’est que l’on sent l’auteur très impliqué dans la littérature pour enfant et, ce, simplement au travers de la façon dont les problèmes sont traités. En effet, plutôt que de choisir la voie de la facilité en n’octroyant à ces livres qu’un simple pouvoir moralisateur, chaque donnée qu’ils peuvent offrir n’est pas simplement acceptée en tant que fait, mais bien replacée dans un contexte particulier pour offrir la solution la plus adaptée. Cela permet de rendre l’ensemble très humain, faisait du Maître des Livres un ouvrage intimiste différent, impliquant les personnages, leurs questionnements et leurs opinions au cœur du thème abordé, à la différence d’œuvres comme Bartender, où tout se résout grâce à un cocktail.
À propos des livres, il est à noter que les véritables stars de ce manga, ce sont eux, certainement pas les personnages ! Certes, on aborde des tranches de vie, mais celles-ci sont surtout un prétexte pour permettre de (re)découvrir une œuvre célèbre appartenant à la littérature jeunesse. Soit dit en passant, l’auteur a pris soin d’amener les histoires et de les résumer en quelques pages, ce qui permet au lecteur de ne pas être perdu dans les propos amenés. Il est aussi intéressant de noter que le choix des œuvres ne se cantonne pas à la littérature japonaise ou même orientale, mais s’étend également aux contes, romans et légendes occidentales.
Ce qui est aussi intéressant, c’est que
Le Maître des Livres ne se cantonne pas aux aventures qu’ils renferment, abordant également tout ce qui entoure le milieu du livre. L’œuvre se penche sur les thèmes des reliures, de la traduction ou encore du métier de bibliothécaire, à la fois opposé et mêlé à celui de libraire. Un autre est assez intéressant, faisant parfois polémique dans le milieu de l’animation japonaise : celui de l’adaptation des œuvres. Par exemple : êtes-vous bien certain de connaître l’histoire de La Petite Sirène ? Bref, si les histoires remettent en question les comportements de chacun, elles nous permettent également de réfléchir aux métiers qui les entourent.
Bon, les livres, c’est bien, mais quand on en lit un, on aime surtout s’attarder sur ses personnages et sa propre histoire, même si, comme précisé auparavant, ils ne sont pas les protagonistes de l’œuvre. On regrette les évolutions de chacun, qui sont assez drastiques, passant d’un extrême à un autre en l’espace de quelques pages. Certes, quand on est amateur de littérature, on aime croire au pouvoir des livres, que ceux-ci sont capables de faire changer les gens au travers de leurs récits. De même, quelque-part, il s’agit du thème principal du Maître des Livres et c’est ce que l’on attend précisément de l’œuvre. Mais amené de manière aussi brusque ? Malheureusement, cela vient confirmer le fait que les personnages ne soient qu’un prétexte à la mise en valeur des œuvres et du secteur. Pour rééquilibrer la balance,
SHINOHARA Umiharu a su les rendre attachants au travers de leurs interactions et le partage de l’expérience de chacun d’entre eux. Ainsi, le thème et l’histoire viennent finalement se compléter dans un méli-mélo impliquant le personnel de la bibliothèque, sa directrice,
MIYAMOTO et bien d’autres qui franchiront la porte de La Rose Trémière.
Après avoir lu cinq tomes et en dehors de l’apparition récurrente de certains personnages, on ne peut pas vraiment confirmer la présence d’un fil rouge. Il y a bien des petites histoires qui se construisent et se suivent, mais rien qui ne vienne vraiment prendre la place des petites tranches de vie. D’ailleurs, chacune d’entre elles est assez courte, permettant à l’œuvre de voguer d’un sujet à un autre sans difficulté. Si le rythme et la trame peuvent sembler classiques (la vie est tranquille, un problème survient, on choisit un livre, on en apprend l’histoire, Mikoshiba met son grain de sel, résolution), ils ne souffrent pas d’une monotonie particulière. Les vies de chacun des personnages et leurs problèmes sont très différents, convenant à tous les publics et permettant de varier les thèmes. Pas le temps de s'ennuyer !
En conclusion, le Maître des Livres nous offre une belle revisite du secteur du livre dans son ensemble. L’ennui n’a pas sa place dans les aventures quotidiennes rythmées de la bibliothèque et des personnages. Si je n’ai pas évoqué le dessin, c’est qu’il n’a aucune particularité. On pourra toutefois noter le changement de design, bien plus soigné, lorsque les récits sont racontés. Le Maître des Livres nous invite à nous replonger dans ces histoires qui ont forgé tantôt notre morale, tantôt nos rêves d’enfant. Plus qu’une invitation, il s’agit même de recommandations, parfaitement portées par l’index des œuvres en fin de tome. Finalement, la particularité du Maître des Livres, c’est peut-être que ce livre nous donne l’envie d’en lire d’autres. Un tas d’autres. Adieu, argent.