Le cinéma d’animation japonais va commencer l’année sur les chapeaux de roue en France puisque vous pourrez retrouver en salles, dès mercredi prochain, Les Enfants du Temps, le dernier film de SHINKAI Makoto ! Le réalisateur de Your Name revient en force avec un nombre faramineux d'entrées et on espère que le phénomène se reproduira en France, également.
Autant dire qu’avec la promesse d’un réalisateur que j’aime beaucoup, je n’ai pas hésité à me rendre à l’avant-première d’Annecy dans le cadre du Hivernal Festival, une petite annexe du Festival International du Film d’Animation, qui a eu lieu début décembre.
Synopsis :
Hodaka est un lycéen qui habite sur une île. Il décide un jour de s'installer à Tokyo et pour subvenir à ses besoins, il trouve un travail de rédacteur pour un magazine qui parle d'occultisme. Bizarrement, depuis qu'il a commencé, il ne cesse de pleuvoir... Un jour, il rencontre une jeune femme, Hina. Elle vit seule avec son frère suite à certaines circonstances mais elle prend malgré tout la vie du bon côté. De plus, Hina a la capacité d'empêcher la pluie de tomber et de faire partir les nuages.
SHINKAI Makoto part donc sur une idée originale de scénario et un concept fort plaisant ! Néanmoins, le film traduit ce que l’on nommera « Syndrôme Shinkai » : tous les atouts du réalisateur et de ses films sont à la fois ses qualités et ses défauts.
Côté animation et designs, SHINKAI Makoto se démarque toujours allègrement par ses jeux de lumières magiques et immersifs ainsi qu’un sens de la minutie remarquable. Les arrière-plans ainsi que les plans larges de Tokyo sont réalistes et détaillés au possible. Et il ne s’agit pas uniquement des paysages, mais aussi de la présence d’éléments naturels : les oiseaux, les gens, des comportements du quotidien… La technique est irréprochable, au point d’en être parfois froide. Un peu comme un musicien trop bien calé sur un métronome et dont on ne percevrait pas l’identité au travers de ses propres morceaux. Mais il en résulte que chacun des angles de vue nous transporte immédiatement à Tokyo, aux côtés de nos héros.
Hodaka et Hina sont deux adolescents qui n’ont qu’un but : faire rêver le spectateur. Et ils y arrivent grâce à leur naturel, leur simplicité et leur volonté de s’accrocher à leur volonté. Le problème, c’est que c’est tout ce que l’on aura à en redire. Si cette simplicité permet effectivement de se projeter en eux, elle accuse le coup en nous présentant presque deux coquilles vides. Alors, oui, comme SHINKAI Makoto l’a dit, il faut faire rêver les adolescents. Mais cela doit-il se payer au prix d’un développement des personnages ? Dans Les Enfants du Temps, on rencontre juste deux adolescents dont on ne sait rien et dont on n’apprendra pas grand-chose. Ils se laissent simplement trimballer par une situation qui les dépasse, sans remise en question ou quelconque évolution. Plus que des personnages, on s’en tient plus à des rôles qui se délimitent à des statuts, sans jamais les approfondir. C’est dommage. Mais, encore une fois, c’est ce qui permettra, sans doute, au spectateur de mieux s’identifier aux personnages. On apprécie également de revoir certaines têtes ! D’ailleurs, c’est peut-être ce qui aura fallu à SHINKAI Makoto pour nous présenter un caractère, un vrai, dans son film, qui se remarque par sa gestuelle, même au-delà de son histoire. Si vous avez suivi la filmographie du réalisateur, vous n’aurez sans doute aucun mal à le situer.
Côté scénario… Les impressions sont mitigées. D’un côté, on a un concept très original, avec cette « fille-soleil » et toute la légende qui l’entoure. L’ensemble est passionnant, plutôt inédit… mais peine à être creusé. Le dernier tiers presse tout le film dans un tourbillon d’informations qui balaye sans concession les deux premiers. Une bonne partie des intrigues se retrouvent reléguées au second plan sans que l’on n’acquière plus d’information par la suite. Et c’est ainsi que Les Enfants du Temps accuse plusieurs problèmes de rythme : certaines scènes sont précipitées alors qu’elles relèvent de l’intrigue principale et d’autres s’éternisent quand elles sont secondaires… On ressort frustrés de cet ensemble peu harmonieux, plutôt inhabituel de la part du réalisateur. La question de l’avenir est néanmoins soulevée à de nombreuses reprises, que ce soit au niveau personnel ou global. La réponse apportée par SHINKAI Makoto, celle qu’on lui connaît, est amenée d’une façon un peu maladroite cette fois… À la hauteur de ce que l’on peut attendre de la part de personnages qui manquent de profondeur. En bref, tous les éléments de base sont très bons mais le ciment peine à prendre pour les relier. Et c'est ce qui rend le film si accessible au grand public : pas besoin de comprendre les codes de l'animation ou une symbolique complexe. Et n'est-il pas bon d'avoir un film d'animation dans lequel chacun peut trouver son compte ou se retrouver ? N'est-il pas bon de nous apporter un rêve simple ?
Radwimps est à nouveau aux rênes de la bande-son, pour le bonheur de nos oreilles. Un groupe dynamique et qui avait emporté avec lui le public de Your Name notamment grâce au titre Zen Zen Zense. Dans la même veine, les chansons sont entraînantes et très addictives. À peine sont-elles terminées que l’on a envie de les relancer, encore et encore, sans jamais se lasser. La bande-son réussit même à gommer quelques problèmes de rythme. Le duo SHINKAI et Radwimps pourrait bien devenir emblématique si les deux arrivaient à se renouveler dans le futur !
Les Enfants du Temps est un film à découvrir en salle pour retrouver tout ce qu’on aime chez SHINKAI Makoto : son obsession du détail, ses mises en scènes somptueuses, son univers. Même s’il n’arrive pas à concrétiser ses idées, le réalisateur sait comment nous immerger pour nous faire passer un moment hors du temps, dont on ressort apaisé. D’un point de vue personnel, j’attendais peut-être un peu plus de ce film, notamment au niveau des personnages. J’espère que SHINKAI Makoto – dont j’adore les travaux – réussira à concrétiser son savoir-faire dans son prochain film. En attendant, on continue de se régaler avec ses œuvres précédentes… D’autant plus que 5 centimètres par seconde revient en France en version manga ! SHINKAI Makoto à la conquête de nos pays !