Tenzo est un film de
TOMITA Katsuya, diffusé en octobre 2019 au Japon et distribué dans les cinémas français par la société
Survivance depuis le 27 novembre. Le film a eu également droit à une projection lors de la cérémonie d’ouverture du festival Kinotayo, le 26 novembre, en présence du réalisateur
TOMITA Katsuya, du producteur
KURASHIMA Takayuki ainsi que des acteurs
KAWAGUCHI Chiken et
KURASHIMA Ryugyo. Cérémonie à laquelle j’ai pu assister grâce aux organisateurs, merci à eux !
Synopsis :
Chiken et Ryûgyô sont deux bonzes de l'école bouddhiste Sôtô. Ils se sont connus pendant leur apprentissage spirituel. Chiken, qui vit avec sa femme et son fils à Yamanashi, s’investit dans la prévention du suicide et dispense les préceptes d'une alimentation végétale et zen.
A Fukushima, Ryûgyô, seul, fait face aux ravages du tsunami. Son temple détruit, il travaille au déblaiement de la région et accompagne les victimes relogées en préfabriqués.
Tenzo est un film original dans sa présentation, à mi-chemin entre la fiction et le documentaire. La distribution est pour le moins inédite,
KAWAGUCHI Chiken et
KURASHIMA Ryugyo n'étant pas acteurs de métier mais bien moines bouddhistes de l’école Sôtô.
Au cours du jeu de questions/réponses auquel se sont prêtés le réalisateur et les acteurs avant la projection du film, nous avons appris que
KAWAGUCHI Chiken était un cousin de
TOMITA Katsuya, et que c’était ce premier qui avait pris contact avec le second pour réaliser un film qui mettrait la culture bouddhiste sur le devant de la scène. Le réalisateur n'a semble-t-il pas hésité à réutiliser ces éléments, brisant le quatrième mur à plusieurs reprises au cours de son long-métrage.
Tenzo propose un portrait croisé de deux moines à la recherche de leur foi :
- KAWAGUCHI Chiken est un moine dynamique et porté vers les autres. Il dirige une hotline de prévention contre le suicide et cherche des moyens de propager la vision du bouddhisme autour de lui. À côté de cette activité, il est aussi cuisinier pour le temple et organise des ateliers pour enseigner la cuisine bouddhiste aux personnes qui le souhaitent. Il attache une grande importance à cet art culinaire à la fois sain, végétarien et en accord avec la nature. Mais, un soir, son fils fait une grave allergie alimentaire. C’est à ce moment que le doute commence à s’insinuer dans sa foi : "Comment un principe en accord avec ses croyances et la nature peut-elle tuer des gens ?"
- KURASHIMA Ryugyo est un moine dans la préfecture de Fukushima, dont le temple a été détruit lors du tsunami de 2011. Depuis, il travaille au déblaiement des décombres et à la recherche d’éventuels corps toujours ensevelis. Les ravages de la nature sur la région et la perte de son temple ont mis à mal sa foi : "Qu’est-ce qu’un moine sans temple ?"
Au cours de sa quête de foi,
KAWAGUCHI Chiken s'entretient avec
SHUNDŌ Aoyama, moniale de haut rang et autrice de nombreux essais. De chacune de ses apparitions découlent une grande sagesse et un profond respect. Aussi, bien qu’elle ne donne jamais de réponse explicite aux questions de
Chiken, ses exemples sont lourds de sens et permettent à son interlocuteur - mais également au spectateur - de trouver la réponse qui semble le plus juste aux doutes qui le hantent.
L’arc de
KURASHIMA Ryugyo est à mon sens plus rude, ancré dans un certain désespoir. Alors que le moine s'adonne au déblaiement des décombres, nous, nous ne pouvons que constater la désolation laissée par le tsunami. De longs plans d’images prises par une caméra "amateur" (faible résolution, cadre tremblant) nous rappellent que le temple est loin d’être le seul élément à avoir été détruit. Et, comme pour
Chiken, le responsable de ce désastre est la nature… Nature qui est au centre des préceptes de sa religion. Comment garder la foi après de tels événements…
La perte de foi du moine s’illustre également avec un détail du quotidien : la nourriture. Alors que nous venons de voir
Chiken nous citer les bienfaits de la cuisine saine et végétarienne du bouddhisme,
Ryugyo, lui, mange des plats instantanés. Un contraste qui témoigne de l'individualité de ces hommes suivant la même foi, et menant leur propre combat contre leurs doutes.
Les vies de nos deux moines sont liées par la ligne de soutien de prévention du suicide. Alors que
Chiken semble être le responsable de ce groupe et est très impliqué dans cette tâche,
Ryugyo n’ose pas allumer le téléphone que l’on vient de lui envoyer. D'ailleurs, lorsqu’il répondra à son premier appel, il ne saura pas quoi répondre.
Comme dit au début,
Tenzo bénéficie d’une réalisation assez particulière mixant la fiction et le documentaire.
Dans un premier temps, une grande partie du film est tournée de manière à nous montrer les moines dans leur vie de tous les jours, comme s'ils faisaient fi de la caméra.
Puis, à la fin du premier acte,
Chiken propose que le temple réalise un long-métrage pour promouvoir l’image du bouddhisme, grâce à un de ses cousins réalisateur,
TOMITA Katsuya, comme dans la vraie vie.
C'est à partir de ce moment que le film se dote d'une approche typée "documentaire", en intégrant des courtes scènes d’interview entre
Chiken et
Katsuya, lors desquelles les moines répondent explicitement à des questions sur leur foi et sur la religion bouddhiste en générale.
Cette approche est d'ailleurs utilisée avec intelligence pour briser à nouveau le quatrième mur, en faisant apparaître l'équipe de tournage dans lors d'une scène plus fictionnelle. Une scène intéressante, qui permet de lier la fiction et le documentaire dans l'œuvre.
Tenzo est une œuvre atypique autant sur le fond que sur la forme, portée par un casting de moines bouddhistes. Le film est ancré dans une réalité difficile et démontre le combat intérieur d’hommes de foi mis à mal par la nature, elle qui se trouve au centre de leur religion. Le film ne manque pas non plus de nous montrer l’état de la région de Fukushima, toujours marquée par le ravage du tsunami de 2011.
Un point très intéressant à mon goût est le fait que le numéro de soutien pour la prévention du suicide est tenu par des moines bouddhistes, une découverte pour moi, bien que je ne sois pas certain que ce soit le cas partout au Japon.
Je ne peux que vous conseiller de voir ce film, qui est actuellement projeté dans certains cinéma de France grâce à la société
Survivance. Et, qui sait, peut-être que vous pourrez balayer certains de vos doutes grâce à ce film et qu'il vous donnera envie de marcher pieds nus dans l’herbe en lisant le manga
Vagabond de
INOUE Takehiko.