Alors que le studio Croteam s'est spécialisé dans le FPS bourrin avec la série
Serious Sam, ils créent la surprise en
décembre 2014 avec un First Person Puzzle mélangeant puzzles et réflexion métaphysique. Le
13 octobre 2015, le titre alors réservé aux PCistes sort sur PS4, incluant le DLC
Road to Gehenna disponible quelques mois auparavant sur PC.
Dès le début du jeu, on se retrouve dans un décor de Grèce Antique sans explication ni sur le pourquoi, ni sur le comment. Seule une voix off, dénommée Elohim, nous appelle Son fils et nous dit de suivre ses consignes. Le décor est donc fixé : les clés de l'histoire ne seront pas données, il va falloir les mériter.
En parlant de décor et à défaut de meilleure transition, ceux-ci sont excellents. Ce n'est pas vraiment par ses graphismes que le jeu éblouit, puisque ils sont bons sans être magnifiques (on pourra reprocher les textures 2D des murs un peu trop visibles, l'eau et les effets de particules pas vraiment réussis, etc.). La direction artistique en revanche est un appel au voyage à travers les lieux et les âges, nous emmenant de la Grèce Antique à l'Europe Moyenâgeuse en passant par l'Egypte des pharaons. Et le tout est suffisamment bien pensé pour que l'on passe de l'un à l'autre sans que cela choque ni les yeux ni l'esprit. On se surprend parfois à regarder les décors simplement pour leur beauté, car certains sont réellement grandioses et sublimes. On pourra toujours regretter une BO qui s'adapte rarement à son thème, mais c'est un détail, d'autant plus que les musiques sont douces, ce qui s'avère important pour laisser le joueur réfléchir. En revanche, l'ambiance sonore sait se mettre en adéquation avec le décor (on notera par exemple le bruit des cigales alors que l'on se promène au milieu des colonnes grecques).
Tandis que l'on avance sans but précis, on aperçoit un tétromino (une pièce de tetris), séparée de nous par un portail. Heureusement, un brouilleur à proximité permet de passer outre. Cette phase n'est absolument pas anodine, au contraire puisqu'elle résume très bien le fonctionnement du jeu : pas de didacticiel, le joueur va devoir apprendre par lui-même. Ainsi, on se retrouve donc à user de plusieurs outils en se demandant dans un premier temps comment faire. Mais le level design est très bien pensé, et certains niveaux sont tellement simples qu'ils ne sont présents que pour permettre au joueur de se familiariser avec l'outil qu'il vient d'acquérir sans devoir y passer de longues minutes.
Ces outils sont au nombre de 6. On trouve donc le brouilleur qui désactive les portails, le connecteur qui relie une source de lumière à un réceptacle (celui-ci sert en général à activer un mécanisme ou à ouvrir un portail), un cube, et d'autres dont il est préférable de laisser la surprise.
Bien entendu, de nombreux puzzles demandent de mélanger les outils afin d'ouvrir tous les portails se trouvant entre l'entrée de la salle et le tétromino. Ainsi, il n'est pas rare de devoir poser un récepteur sur un cube afin d'élever le rayon de lumière qui pourra ainsi passer au dessus d'un obstacle. Vous voilà prévenus : il va falloir de la réflexion pour progresser dans le jeu !
C'est justement l'un des points forts de The Talos Principle : il fait réfléchir, autant dans ses puzzles que dans son histoire. Car si l'on découvre le but assez rapidement, à savoir résoudre des casse-têtes pour récupérer des tétrominos qui permettront de débloquer des zones où se trouvent d'autres casse-têtes, on ne nous dit jamais pourquoi il faut faire cela, pourquoi on se retrouve dans ce monde, ni même ce qu'est cet endroit. Cela, il faut le découvrir en s'investissant dans le jeu. Pour ce faire, on trouve un peu partout dans les niveaux des codes QR qui nous en apprennent plus ou nous perdent volontairement (idéal pour passer du temps à fouiller les moindres recoins du jeu), ainsi que des "mémoires" (c'est difficile à décrire) d'une certaine
Alexandra Drennan, à l'origine du projet Talos. Mais le plus important pour découvrir le fin mot de l'histoire est de passer du temps dans des terminaux, des ordinateurs qui sont présents dans chaque niveau. Par cet intermédiaire, on a donc accès à des textes plus ou moins liés à l'histoire (des oeuvres philosophiques, des extraits de faux blogs, des échanges de mails entre les membres de l'équipe Talos, etc.). On se retrouve également à converser avec une intelligence artificielle qui veut parler de sujets approfondis, et qui n'hésite pas à vouloir nous mettre en défaut en pointant du doigt certaines de nos contradictions, puisqu'elle retient nos réponses précédentes. Même si cela s'avère amusant, on ne peut s'empêcher de regretter par moments le faible nombre de réponses possibles, montrant que le jeu veut nous emmener quelque part, alors que le joueur ne le veut pas forcément.
Il est donc tout à fait possible de faire le jeu en ligne droite, en se concentrant uniquement sur les puzzles, mais aussi de se pencher davantage sur l'histoire pour en comprendre les tenants et aboutissants. Autant vous le dire de suite, avec les thématiques abordées (intelligence artificielle, connaissance universelle, définition de l'être humain, entre autres), il serait dommage de passer outre tous ces textes, même si on constatera en français quelques fautes d'orthographe de-ci de-là.
On parle ici de First Person Puzzle, mais je n'ai pas encore réellement évoqué la partie puzzle du titre, pourtant centrale. La difficulté de l'ensemble est progressive, si bien que l'on se retrouve rarement bloqué. Ainsi, si au début on ne doit manier qu'un outil à la fois, rapidement il faut en combiner deux, puis trois, voire jusqu'à cinq. Il est alors important de bien examiner la salle pour d'abord repérer le tétromino, puis le chemin pour y accéder. A partir de là, les outils à notre disposition permettent de se faire une idée de la marche à suivre. Toutefois, les concepteurs ont été suffisamment sournois pour laisser de faux indices, et il se peut que des outils soient là sans être nécessaires. Au joueur de démêler le vrai du faux !
Si toutefois il arrive de se retrouver coincé, sans savoir comment parvenir à l'objectif, il est possible d'aller s'occuper d'un autre puzzle pour y revenir plus tard. En effet, la structure du jeu est en monde ouvert, et il se découpe en zones (où l'on retrouve les différents thèmes visuels) elles-mêmes découpées en sections dans lesquelles plusieurs salles permettent de récupérer un tétromino. Certains puzzles font eux appel à des éléments de plusieurs salles au sein d'une section afin de récupérer une étoile. Ces dernières représentent le plus gros challenge du jeu, et sont là pour accéder à plus de puzzles, en plus de viser les 100%.
A ce propos, on peut ajouter que la durée de vie du titre est très bonne. Pour ma part, en ayant pris le temps de découvrir les décors et de rechercher les codes QR, puis en m'investissant dans les textes des terminaux, il m'a fallu plus de 20 heures pour finir l'histoire principale (à laquelle il faut rajouter le DLC
Road to Gehenna, mais j'y reviendrai). S'il faut en plus rajouter les étoiles et d'autres énigmes présentes, on doit largement dépasser les trente heures de jeu.
Il est cependant dommage d'avoir glissé au milieu des sortes de tetris qui n'ont pas d'intérêt puisqu'il s'agit surtout de les faire de façon empirique, ce qui s'avère de plus en plus complexe au fur et à mesure de notre avancée.
Si malgré tout vous n'arrivez vraiment pas à résoudre une énigme, il est possible de demander un indice. C'est une idée louable en soit, mais le problème c'est que cet indice se mérite, et pas qu'un peu ! En effet, il faut tout d'abord comprendre où débloquer ces indices, et une fois cela fait il va falloir passer par un nombre conséquent de puzzles type tetris pour y parvenir. Honnêtement, il est plus simple de terminer le jeu sans eux que de vouloir tous les débloquer (à titre de comparaison, j'ai passé 1 h 30 uniquement dans ces zones de déblocage d'indices).
La fin du jeu, sans spoiler quoi que ce soit, est en décalage avec le reste, ajoutant un petit côté Die & Retry à un jeu qui n'en avait pas besoin et dont le rythme n'est pas censé être aussi rapide. Cela dit, la séquence est assez courte et il faut peu de tentatives pour y arriver puisque les puzzles ne sont pas aussi difficiles que les précédents, donc le jeu ne s'en retrouve pas terni. De plus, il est à noter qu'il existe trois fins différentes, dépendant uniquement de la voie que vous souhaiterez suivre.
La version PS4 pour sa part s'avère de très bonne facture. En effet, le gameplay est très bien adapté à la manette, et même si on aurait aimé que le curseur soit aimanté à certains endroits (notamment dans les ascenseurs où les boutons sont difficiles d'accès), et que l'on peste parfois contre un timing un peu serré ou une marge de placement faible, aucun défaut majeur n'est à constater. Evidemment, cette version est graphiquement en dessous de la version PC, notamment au niveau des reflets, mais elle a le mérite d'inclure le contenu supplémentaire
Road to Gehenna.
Il s'agit là d'un nouveau chapitre se déroulant après l'histoire principale. On incarne un certain Uriel qui doit libérer plusieurs de ses compagnons. Le principe est donc le même que pour le jeu de base, sauf qu'il s'agit ici non pas de récupérer des tétrominos, mais de rendre leur liberté à d'autres individus. Dans les faits, la seule différence notable est la difficulté, plus relevée même si encore une fois la solution n'est pas impossible à trouver si l'on cherche bien. La réelle nouveauté se trouve finalement dans les terminaux, qui proposent cette fois-ci un forum pour discuter avec les prisonniers. Ces derniers, pour s'occuper, ont ainsi créé de nombreux contenus (histoires, jeux vidéo, galerie d'art virtuelle, etc.) qui permet de se sentir moins seul que dans l'histoire principale. De plus, l'humour est bien plus présent, ce qui s'avère rafraichissant entre deux résolutions de puzzle. Un dernier point permet de donner envie au joueur de s'investir dans ce forum : plus on découvre de contenus, plus on augmente sa réputation, ce qui permet d'avoir accès à encore plus de contenus pour comprendre davantage les rouages de ce monde. Sans parler de RPG, c'est un plus indéniable qui donne envie de s'investir.
Au final,
The Talos Principle est un excellent jeu, que tout amateur de jeu de réflexion se doit d'au moins essayer. Les propos métaphysiques amènent un plus non négligeable que l'on voit rarement dans ce genre de productions, voire même dans le jeu vidéo dans son ensemble. La version PS4 ne sacrifie rien sur l'autel de la performance, et se retrouve même enrichie de plusieurs heures
de prise de tête de contenu supplémentaires.