Les questions de genre et d'orientations sexuelles prennent une part de plus en plus importante dans notre société. Avec elles, la sensibilisation et l'appel à la tolérance résonnent de plus en plus fort. Pourtant, il n'est pas toujours évident d'affirmer son identité auprès de tous, si ce n'est auprès de soi-même. Éclat(s) d'âme nous entraîne dans l’univers de plusieurs personnes qui se cherchent, qui tentent de s’accepter ou même, tout simplement, cherchent à se faire accepter.
Synopsis :
Tasuku se pense perdu le jour où des camarades de classe retrouvent du porno gay sur son téléphone. Il ne tarde pas à penser au pire, se questionnant d’ores et déjà sur sa place à la société, alors qu’il peine à prendre conscience de son orientation sexuelle. Alors qu’il s’apprête à sauter d’une colline, il rencontre une jeune femme qui s’élance dans le vide.
Il ne tarde pas à la retrouver en vie et à découvrir qu’elle héberge un cercle de discussion LGBTQ+, auquel il sera invité à participer. Commence pour lui une quête d’acceptation de lui-même, des autres ainsi que de sa place dans la société.
KAMATANI Yuhki aborde avec beaucoup de délicatesse les questions d'estime de soi et de respect de l'autre. Il ne s'agit pas simplement de parler d'homosexualité et de transidentité, mais aussi de se reconstruire et de s'accepter. En cela, iel s'affranchit de tous les tabous pour nous offrir des caractères riches et une histoire qui l'est tout autant.
Le centre névralgique d'Éclat(s) d'âme, ce qui lui permet d'être aussi crédible, c'est le salon de discussion. Ce concept ne permet pas seulement aux personnages d'être entourés de gens pour les écouter, sinon de pouvoir être simplement eux-mêmes. Plutôt que leurs déboires, on peut donc les découvrir dans leur plus simple appareil et suivre leurs quotidiens. L’arrivée de Tasuku ne les perturbe d’ailleurs pas plus, c’est à lui de se trouver sa place.
©KAMATANI Yuhki ©Akata
À ce propos, si Tasuku est le héros d’Éclat(s) d'âme, KAMATANI Yuhki n’hésite pas à le reléguer au rang de simple observateur afin de pouvoir développer les histoires des autres personnages. Il en résulte des moments où il est complètement effacé et ne réapparaît que pour apprendre la conclusion de l’histoire. Et c’est loin d’être désagréable puisque ces tranches de vie nous semblent plus naturelles, moins épiées. De fait, on arpente différents vécus quant à leur perception de leur couple, de leur orientation, mais aussi d’eux-mêmes. Au plus proche d’eux, on ressent avec beaucoup de facilités leurs tourments mais aussi leurs victoires. C'est une véritable claque sentimentale.
©KAMATANI Yuhki ©Akata
Les complexités de leur vie de couple sont aussi exposées avec plus de naturel : de la rencontre avec les parents, au mensonge en passant par la violence, chaque histoire amène son lot d’obstacles et une réalité qui lui est propre. La mixité des tranches d’âge permet aussi d’aborder des discriminations et hésitations bien différentes, mais d’une justesse inébranlable. J’appuie beaucoup sur ce point car c’est vraiment ce qui rend les personnages très palpables, à l’instar de Perfect World - que j’aime énormément -, dans lequel le héros, en fauteuil roulant, se prend toutes les misères de son handicap très rapidement. Alors que dans Éclat(s) d'âme, les obstacles sont intimement liés aux personnages et au vécu de chacun.
En nous plaçant en tant qu’observateur, c’est la réalité de chacun qui nous est envoyée en pleine face, notamment celle des regards et des jugements. Et c’est Tasuku le premier à se heurter à un mur, puisqu’il n’accepte pas ce qu’il est, rejetant en même temps les univers des membres du cercle de discussion. Cette confrontation d’univers, nous la retrouvons à plusieurs reprises tout au long de l’histoire, comme un ensemble de témoignages laissés par KAMATANI Yuhki, avec, pour grand final, celui de la personne qui l’a accueilli dans ce cercle.
En quatre tomes, KAMATANI Yuhki réussit à balayer une majorité de préjugés ainsi qu’une bonne partie des tourments que peuvent éprouver les personnes LGBTQ+. Bien sûr, KAMATANI Yuhki n'y va pas de main morte avec la personnalité des antagonistes, toujours fermés d'esprit. Tout est écrit avec une impression d’objectivité plaisante et beaucoup de réalisme, sans jamais tomber dans le documentaire. Même les dessins, dans le détail des gestes et des expressions, nous donnent l’impression de pouvoir croiser ces personnages dans la rue. D’ailleurs, qu’attendez-vous pour aller les rencontrer ?
Les quatre tomes du manga sont disponibles chez Akata et un extrait du premier tome disponible sur leur site !