Le film
Fullmetal Alchemist, adaptation du
manga d’
ARAKAWA Hiromu est produit par
Warner Bros Japan et disponible à l’international via
Netflix. Il est réalisé par
SORI Fumihiko, que l’on retrouve au poste de scénariste aux côtés de
MIYAMOTO Takeshi.
Ce long-métrage nous propose une relecture de l’œuvre originale, mélangeant et modifiant les actions originales tout en y incorporant de nouvelles. Pour les connaisseurs, le film place les événements de Leore chronologiquement avant ceux ayant eu lieu avec le professeur
Tucker et se termine avec le laboratoire numéro 5.
Personnellement, je pense qu’apporter des changements à une œuvre quand elle est adaptée n’est pas dérangeant… tant que celle-ci reste cohérente au final. Mais est-ce le cas pour ce film ? C’est ce que nous allons voir avec le moins de spoilers possible…
Après une scène lors de laquelle les jeunes frères Elric tentent de ressusciter leur mère grâce à l’alchimie interdite, le film démarre fort avec un affrontement entre le père
Cornello et
Edward. Ce passage étant assez symptomatique du film en général, attardons-nous dessus.
La scène est esthétique, bien rythmée et intéressante : on constate au premier coup d’œil la différence d’alchimie entre
Cornello et
Edward. Par exemple, le premier parvient à créer à distance et à grande vitesse d’énormes piliers de pierre sortant des bâtiments sans en endommager la structure alors qu’
Edward doit taper dans ses mains puis toucher la surface qu’il veut transmuter. L’effet très réussi d’onde de choc puis de disparition d’une partie du sol touché par le jeune alchimiste d'Etat est visible à l’écran, induisant qu’il n’a pris que cette partie des éléments pour faire apparaître sa lance.
Le problème, c’est qu’un spectateur ne connaissant pas l’œuvre d’origine ne comprendra pas leur opposition. En effet, le principe d’échange équivalent — la base de l’alchimie — ne nous est présenté qu’après le combat, ce qui soulève un problème de mise en place de l’univers. En comparaison avec l’œuvre d’origine, dans cette dernière, ce principe est précisé dans les premières scènes, avec la réparation de la radio, ce qui permet de comprendre tout de suite les problématiques de la pratique de l’alchimie et les styles de chacun.
Pourtant, bien que mal mis en place, on peut voir que le scénario du film a été réfléchi. Dans l’œuvre originale, le
père Cornello utilise d’abord des chimères pour combattre
Edward. Dans le film, elles sont remplacées par des golems de pierre, implicitant qu’il n’est pas capable de créer des chimères. Ce, afin de pouvoir conserver l’étonnement et l'intérêt d’
Edward lorsqu’il verra sa première chimère chez le
professeur Tucker. Aussi, rappelons que
SORI Fumihiko a modifié la chronologie des événements du manga et c’est ainsi que les études chez
Tucker deviennent un flashback de la formation de
Edward pour devenir alchimiste d’Etat. Malheureusement, un petit détail montre que la réflexion n’a pas été poussée jusqu’au bout.
En effet, à la première apparition des homonculus —
Lust,
Envy et
Gluttony — ce dernier est en train de manger quelque-chose. Ce détail est assez subtil et, pourtant, il s’agit bien des restes de la chimère perroquet du père
Cornello. Or, comme je viens de vous le dire, dans ce film,
Cornello n’a pas créé de chimère. Du moins, nous n’en avons pas la preuve, donc
Gluttony ne devrait pas pouvoir le manger puisqu’il sort de nulle part. Ce détail a sûrement été laissé afin de conserver un plan identique à celui du manga et ainsi faire plaisir aux fans. Mais il crée une incohérence...
Mais je ne vais pas plus détailler le scénario du film afin de ne pas vous spoiler et de ne pas faire trop durer la chronique en paraphrasant chaque scène. Sachez juste qu’ensuite les événements et révélations s’enchaînent à un rythme trop soutenu pour être compréhensible aux néophytes et pas assez bien exploités pour apporter un réel intérêt aux personnes connaissant déjà l’histoire. Le film se pose alors en un best-of du manga, retranscrivant des moments importants et émouvants de l’histoire sans parvenir à les exploiter correctement...
À ce stade de la chronique, vous pourriez penser que tout est à jeter dans ce film. Mais non ! Loin de là ! Parmi les grandes réussites du film, on peut compter sur son esthétique et ses personnages.
Visuellement, déjà, le film a été tournée en grande partie en Espagne, ce qui donne des décors extérieurs originaux et colorés, offrant un aspect vivant à la ville de Leore. La transcription de l’alchimie en elle-même est également une réussite. La différence entre le pouvoir de la pierre philosophale et l’alchimie classique est visible et compréhensible. Nous pouvons revenir sur l’effet d’onde de choc lorsque
Edward utilise son alchimie. Bien que surprenante au premier abord, c’est une bonne idée, car elle permet de détailler les trois étapes de l’alchimie : analyse de l’environnement ; utilisation des éléments disponibles ; transformation en l’objet souhaité.
SPOILER -
La discussion entre Edward et l’être omniscient devant la porte fait aussi parti des grandes réussites : le blanc immaculé du manga, cette énorme porte noire et l’être humanoïde constitué de « poussière » à moitié visible se complémente au fur et à mesure des sacrifices. - SPOILER
Les personnages ne sont pas en reste. Si certains sont clairement sous exploités — tel que le
docteur Marcoh dont la présence est à la limite du caméo — d’autres parviennent à tirer leur épingle du jeu. Je pense surtout à
Winry qui réussit, en très peu de temps, à nous faire comprendre l’attachement qu’elle peut ressentir pour les frères Elric et surtout l’amour qu’elle et
Edward n’osent pas s’avouer.
On peut également parler des homonculus qui restent très fidèles, en particulier
Lust et sa personnalité à la fois calme, sensuel et manichéenne. Le comportement d’enfant gâté de
Gluttony est bien retranscrit et son apparence est également très fidèle. Il reste malgré tout ce passage ridicule en plan large où il court après des soldats. Il me rappelle les vieux films de monstres dans lesquelles l’acteur se traîne dans un costume trop encombrant, avec des acteurs en proie, surjouant la peur et la paralysie afin que le monstre puisse les rattraper. Reste
Envy, le moins marquant des trois. On ressent son mépris pour la race humaine, mais son personnage n’est pas bien marquant.
Au final, le film
Fullmetal Achemist n’est pas mauvais, mais il est loin d’être bon, malgré un visuel accrocheur, de bonnes idées de mises en scènes sur l'alchimie et des acteurs convaincants. Le film aurait gagné à réduire son intrigue, pour se concentrer sur les événements avec le professeur
Tucker et à Leore, et finir sur la révélation de la fausse pierre philosophale. Certes la fin aurait été pessimiste, mais elle aurait sûrement permis une meilleure mise en place de l’univers et des personnages. Là, le film veut trop en montrer : la genèse des héros, Leore,
Tucker, le complot à East City, le laboratoire 5… Les événements s’enchaînent à une vitesse trop rapide pour être réellement compréhensible sans avoir des connaissances de base sur l’œuvre.
Si vous êtes fan de la licence et que vous ne savez pas quoi faire de votre soirée, allez-y. Par contre, si vous ne la connaissez pas, je ne peux que vous conseiller de vous tourner vers les adaptations en série animée ou directement vers le manga. La source restera le meilleur moyen de découvrir un des piliers du manga moderne dans les meilleures conditions.