Le premier avril, c’est souvent l’occasion de faire des blagues… Mais surtout de se payer une bonne tranche de rires ! Alors, en ce jour, quoi de mieux que de partir à la découverte de l’un des titres de la collection emblématique
WTF ?! des éditions
Akata ? Pour cette chronique, nous nous sommes penchés sur
Virgin Dog Revolution de
SASAKI Shôhei, dont l’œuvre «
Tu seras un saumon, mon fils » sera également publiée chez Akata, annoncé
la semaine dernière.
À noter que Virgin Dog Revolution est clairement destiné à un public averti qui n’a ni peur du gore, ni de quelques scènes très osées, le tout en violence. Âmes sensibles s’abstenir.
En une image :
On ne va pas se leurrer, le titre suffit à attirer à attirer l’attention de n’importe qui. Les curieux iront jusqu’à lire le scénario, les plus fous à se procurer les
deux tomes. Les premières pages ouvertes, ces derniers n’auront d’autre choix que de dévorer les 512 pages presque d’une traite, à la fois absorbé par le comportement d’un anti-héros puceau, à poil tout au long de l’histoire, et la vitesse incongrue et maîtrisée du scénario.
En effet, toutes les actions découlent naturellement les unes des autres à un rythme effréné. Heureusement car, après tout, on n’a que deux tomes pour découvrir l’univers timbré de
SASAKI dans lequel un personnage mi-homme, mi-chien désire contrôler le monde. Bref, l’histoire est facile à saisir, encore plus à apprécier. En réalité, le plus fou, c’est qu’on a tendance à accepter tout ce qui se passe dans
Virgin Dog Revolution très facilement. Peut-être un peu trop. Parce que bon… « Mère Nature doit se venger des méchants humains ! » on connaît, hein, on nous le rabâche et le revend à toutes les sauces. Mais là… C’est servi sur un plateau d’argent : à chaque fois qu’il va introduire un nouvel élément, celui-ci est tellement défini, cadré, que l’on ne peut pas l’imaginer autrement. Rien n’est laissé au hasard, aucune action, aucun changement de point de vue, même lorsque ce dernier passe de celui d’un personnage à celui du lecteur. Le pire, c’est qu’on ne se trouve même pas frustré qu’aucune place ne soit laissée à l‘imagination du lecteur.
Aussi et franchement, qu’est-ce qui a bien pu passer dans la tête de
SASAKI pour nous pondre une œuvre aussi crédible et tellement humaine ? Attention, on a bien dit humaine, pas humaniste, la nuance est très importante : jamais on ne cherche à glorifier l’Homme, pas même à la fin. On est aussi très loin de l’œuvre moralisatrice, et voilà qui est rassurant dans la mesure où ce n’est absolument pas ce que l’on cherche dans ce genre de perle. D’ailleurs, en dehors des protagonistes, les personnages secondaires ne sont là que pour représenter des traits de caractères détestables, souvent répugnants. Ils ne servent même pas à mettre en valeur le trio
Sadao,
Yûji et
Yuri, juste à être répugnants.
SASAKI a-t-il simplement voulu nous mettre face à un miroir en nous présentant des personnalités aussi pitoyables ? Ou nous invite-t-il à compatir à leur sort ? On ne sait pas trop et c’est sans doute la seule question qui subsiste post-lecture. Oui, oui, la seule.
SASAKI ne laisse pas le choix au lecteur d’aimer ou de détester la fin : il doit l’accepter telle qu’elle est, comme pour tout le reste d’ailleurs. C’est aussi en ce sens que le déroulement de l’histoire est fluide, parfaitement compréhensible sans pour autant devenir prévisible. Aussi,
SASAKI Shôhei arrive à faire vivre au lecteur des ascenseurs émotionnels des plus expérimentaux : on peut passer de l’admiration, au dégoût extrême puis à la compassion pour un seul et même personnage en l’espace de quelques planches. Tout ça sans que l’histoire ne perde en crédibilité, en rythme et en WTF. Démentiel !
Attention, l’auteur ne met pas uniquement le paquet (haha) sur le jeu des émotions… Mais aussi sur le dessin. Si certaines planches plus traditionnelles rappellent les codes du dessin manga, les plus réalistes font davantage appel à ceux de la bande dessinée occidentale, avec des grandes bouches aux belles lèvres et des faces presque trop parfaites mais tellement expressives. On s’attardera notamment sur les gros plans sur les visages, notamment des regards qui, sous une apparente neutralité, décrivent à la fois l’innocence, la férocité et les sentiments du personnage visé. De même, l’extrême détail apporté à certaines scènes accroit considérablement leur intensité et l’horreur et la colère sont exacerbées par le réalisme de traits parfaitement maîtrisés. Une belle palette d’émotions livrée en noir et blanc.
Toujours à propos des dessins, le point d’orgue de leur qualité ne réside pas tant dans leur précision mais dans la manière dont
SASAKI les utilise. Par exemple, dans la même case peuvent se côtoyer deux personnages en gros plans, mais l’un sera clairement effacé vis-à-vis de l’autre par son manque de détail, là où on pourra compter le nombre de cernes et presque de cheveux du second. Dans ces moments, on imagine parfaitement
SASAKI nous susurrer à l’oreille : « cette scène-là, mouais, il ne se passe pas grand-chose, mais ça sert à l’histoire… par contre, JETTE UN PEU UN ŒIL À CE SALE TYPE AVIDE ». Ces mises en avant imposent un rythme de lecture précis, dont les variations de rythmes sont uniquement dictées par la qualité et le détail des dessins. Du pur génie.
Lançons les paris : combien de pages avant qu'elle ne meurt ?
Enfin, certains seront heureux de l’apprendre : l’œuvre est gore mais pas exagérée. On est loin d’
Elfen Lied et de ses giclées de sang partout, qui ne font pas sens. Par contre, accrochez-vous quand même,
Sadao n’est pas là pour rigoler et le fait savoir aux travers de ses actes impitoyables et parfois honteux (pour lui, hein).
En conclusion, si vous êtes amateurs de frissons, de dessins de grande qualité et que vous désirez apporter un grain de folie dans vos vies, n’hésitez plus, foncez sur ce titre. Pour ma part, il s’agissait de mes premiers pas dans la collection WTF ?! d’
Akata, vers laquelle je retournerai sans hésitation aucune. Par contre… je crois que l’éveil de Sadao a atteint mon chat… Help !