Le thème de l’exploration d’un monde post-apocalyptique a déjà été brillamment traité par des grands classiques tels que
Coppelion,
Nausicaä ou encore
Gurren Lagann. Plusieurs thèmes, univers et genres ont été explorés, chacun ayant une très forte identité. Alors pourquoi devriez-vous vous pencher sur le cas
Les Enfants de la Baleine, l’abordant également ?
Ne tournons pas autour du pot. Dès les premières pages, on nous ouvre les portes d’un monde qui nous absorbe et nous engloutit dans ses entrailles, pour ne nous libérer qu’une fois un chapitre ou un tome terminé. Une telle immersion est possible grâce aux magnifiques détails apportés aux paysages et aux bâtiments, rappelant ceux que
Hayao Miyazaki avait apportés à
Nausicaä. Mais la similarité s’arrête là, l’univers unique d’
UMEDA Abi et de l’auteur anonyme du manuscrit qu’elle s'est procuré (cité à la fin du premier tome) écrasant tout nouveau désir de comparaison.
De plus, vouloir confronter ces œuvres après la seule lecture du premier tome relèverait presque de la mauvaise foi, tant l’histoire semble être inédite et pas encore sur les rails. Les éléments sont introduits de façon à ce que le lecteur s’en imprègne avec douceur, les liant aux personnages pour les rendre attachants ou, au contraire, détestables. Ils témoignent également du fonctionnement de la petite société, presque un peu trop manichéenne, établie sur la Baleine, ce vaisseau mystérieux voguant sur la mer de sable. Aussi, quand on parle de « société », il ne s’agit pas d’une entreprise, mais bien d’un ensemble de personnes vivant au même endroit, encadré par des règles établies. La Baleine représente donc un monde à elle toute seule, sur lequel on ne nous délivre que peu d’informations, permettant au lecteur d'imaginer les hypothèses les plus folles quant à sa réelle nature.
Une fois l’introduction terminée, préparez-vous à entrer dans le feu de l’action et à être assailli de nouvelles questions concernant un monde que vous pensiez déjà commencer à comprendre. C’est d’ailleurs à ce moment que l’on se rend compte combien la mise en place a été parfaitement construite. En effet, malgré un dénouement de tome assez mouvementé durant lequel de nouveaux éléments scénaristiques apparaissent, on ne se sent pas perdu.
En même temps que ce fabuleux univers nous sont présentés plusieurs personnages : un héros qui a soif d’aventure, indiscipliné mais travailleur ; une amie d’enfance ; une chef aimée symbole de la paix ; un rebelle — « fils de » — en taule ; une nouvelle venue, guerrière et au courant des faits du monde ; les mécanos ; un Conseil sombre. Sans révéler les prénoms, difficile d’ôter ce sentiment de « déjà-vu » dans d’innombrables shonen. Mais
UMEDA Abi arrive à contrebalancer cette impression dès les premières pages en prenant le lecteur aux tripes lorsque, d’emblée, elle dépeint la « malédiction » frappant les enfants manipulant le
saimia : ils sont voués à mourir prématurément à cause de ces étranges pouvoirs prenant leur source dans les sentiments. Par la suite, de nombreuses scènes illustrent le mal-être des plus fragiles, ces effets secondaires n’affectant pas le moins du monde les protagonistes. C’en est presque dommage, l’empathie du lecteur se retrouvant complètement happée par la condition de ces enfants malheureux tellement représentés. Si cela facilite l'immersion dans le monde de la Baleine, ce manque de lien émotionnel n’aide pas tellement à s’attacher aux personnages que l'on va suivre. Pour autant, ils ne laissent pas indifférents, leur personnalité, mise en valeur par d’autres contraintes liées à la détention ou à l’utilisation du
saimia, permettant au lecteur de s’identifier à eux. En effet, selon leur rôle, ces limites les influencent de différentes manières, les rapprochant de notre réalité et de nos propres contraintes : moralité, liberté… Si cela n’est pas toujours suffisant pour les rendre totalement crédibles, la qualité de l’univers et la fin du tome présagent des changements pour le moins intéressants, à venir très prochainement.
Chakuro, le protagoniste
Un dernier élément, et non des moindres, participe grandement à l’immersion du lecteur dans l’histoire. Très détaillés, propres, aux ombres et aux profondeurs étudiées avec minutie, il s’agit, bien entendu, des dessins. De la structure du vaisseau de la Baleine aux paysages, en passant par les bâtiments, chaque petit détail a sa place sur chacune des planches. Le réalisme des décors, tantôt naturels, tantôt artificiels, est ainsi poussé à son maximum, réussissant à convaincre le lecteur que les personnages, aux traits plus simples, les parcourent et sont bien inclus en ce monde. On ne se lasse pas de contempler ces détails poussifs pour mieux comprendre le monde de la Baleine.
Tout un écosystème dans un seul vaisseau - Le Saimia
En bref, le but de ce premier tome de
Les Enfants de la Baleine est clairement de nous présenter son univers complexe et séduisant, au détriment du développement de ses personnages. Au final, ce n’est pas dérangeant car, s’ils avaient pris plus de place, peut-être que les éléments scénaristiques introduits nous auraient semblé plus obscurs. Pour une question d’équilibre, on espère que l’histoire ne sera pas qu’un simple prétexte à la découverte du monde et que les protagonistes, aussi, parviendront à marquer les esprits. Étant donné la richesse de l’univers, on peut sans aucun doute compter sur
UMEDA Abi, appuyée de son manuscrit, pour leur donner toutes les qualités nécessaires pour qu’ils deviennent de véritables héros. Ainsi,
Les Enfants de la Baleine est, sans conteste, une œuvre avec un grand potentiel qui mérite d’être découverte et continuée. Après tout, il nous reste tout un monde à explorer !
À noter qu'un extrait du premier tome est disponible sur le site de
Glénat Manga :
extrait tome 1 Les Enfants de la Baleine.