Le prix du reste de ma vie fait partie des premiers titres de la collection
Moonlight des éditions
Delcourt/Tonkam. Illustré par
TAGUCHI Shōichi, ce manga est une adaptation en trois tomes d’un roman de
MIAKI Sugaru, écrivain contemporain né en 1990. Le roman original est d’ailleurs paru chez
Akata sous le titre
Pour trois jours de bonheur, j’ai vendu le reste de ma vie. À noter qu’un mot de l’auteur est présent en fin de premier tome et explique la genèse de son scénario.
Tout commence par un flashback. Deux enfants rêvent à leur vie future, pleins d’espoir. Dix ans plus tard, Kusunoki se retrouve démuni, sans rien à manger, sans argent pour acheter quoi que ce soit. Il se résigne à vendre les seules choses qui lui sont encore précieuses. C’est alors qu'un vieil homme lui fait part d’une histoire un peu loufoque : quelqu’un serait prêt à payer en échange de sa vie !
D’abord incrédule, nous assistons aux tergiversations de Kusunoki, sur plusieurs pages. La vie est-elle estimable ? Combien lui rapporterait la sienne ? Finalement, il se rend à l’endroit indiqué, dans un bureau qui peut racheter du temps, de la santé ou de la vie. Entre ces scènes posées d’interrogations, l’auteur laisse le temps à son personnage de réfléchir, lui octroie quelques moments calmes au détour d’un parc, assis sur un banc. À combien la vie de Kusunoki est-elle estimée ? Nous subissons son attente, jusqu'à l’heure fatidique. Après un sursaut d’espoir, l’estimation est ridicule : 300 000 yens pour 30 ans (2500 euros). Surpris, mais résigné, Kusunoki acceptera malgré tout.
Il est bien d’expliquer en quoi l’estimation est faite : contrairement à ce qu’il pensait, il ne s'agit pas de l’équivalent en salaire de toute une vie. Sa valeur dépend complètement d’autres concepts : le bonheur, l’accomplissement, la réalisation de ses rêves, ses relations avec les autres… Bref, toute une partie qu'il a complètement mise de côté ou perdue en grandissant, n’ayant pas réussi à s’intégrer dans la société. Kusunoki est le reflet d’une jeunesse japonaise contemporaine, sacrifiée et repliée sur elle-même.
À partir de là, et puisqu'il ne lui reste désormais plus que trois mois à vivre, Kusunoki va tenter de trouver la source de son mal-être et de corriger ses erreurs passées. Surveillé par la discrète Miyagi, il n’a pas prévu de faire n’importe quoi du temps qu'il lui reste. Malgré la présence d’une échéance fatidique, l’ambiance est calme et posée, propice à l’introspection, servie par les dessins sensibles de
TAGUCHI Shōichi. Nous vivons quelques souvenirs de Kusunoki, qui lui donneront des idées de choses à faire.
Les échanges entre les deux protagonistes sont agréables à suivre. La pertinence et la sagesse des propos de Miyagi bousculent petit à petit les pensées de Kusunoki. Elle n'y va pas de main morte, elle explique clairement et sans détour, en toute franchise, comment Kusunoki a pu en arriver là, ce à quoi il aurait pu aspirer. Je trouve qu’il prend cela plutôt bien, avec son air totalement désabusé, peut-être parce qu’il n’a plus grand chose à espérer et qu’il est résigné. En tout cas, il reprend contact avec d’anciens amis. Mais cela ne se passe pas comme il l'avait prévu, et la réalité des sentiments et de la perception des autres le rattrape, notamment grâce à la présence de Miyagi, qui éclaire les événements à l'aide de son omniscience. L’on se rend ainsi compte que Kusunoki a passé sa vie à se méprendre sur beaucoup de choses, ce qui explique probablement comment il en est arrivé là.
Heureusement, l’histoire ne s’arrête pas là, et ces rencontres furent l’occasion pour notre héros d’aller de l’avant, mettre de côté son passé, et penser à lui-même et à ses envies, pour le peu de temps qu'il lui reste à vivre. Aux côtés de Miyagi, il reprend confiance en lui, vit de nouvelles expériences, vit, tout simplement.
Le prix du reste de ma vie est une série introspective avec une lente narration. Si vous êtes sensible, mélancolique, nostalgique, avec une tendance à la déprime, je ne peux pas vraiment vous conseiller la lecture de ce manga, qui m'a personnellement mise un peu mal à l’aise. Mais si vous êtes enthousiastes à l’idée de philosopher sur la vie, son utilité et son but, cette histoire pourrait vous convenir.