Comme le chante si bien le générique de
sa version animée, Tom Sawyer, créé par
Mark Twain, est Le personnage qui symbolise la liberté et l’espièglerie dans la littérature. Il a été interprété et réinterprété de nombreuses fois, que ce soit au travers de sa version animée, de films, de séries et même d’une bande-dessinée. Alors pourquoi en faire une énième adaptation ? Que peut-elle apporter à ce personnage charismatique dont on envie le quotidien en tant qu’enfant ? Nous allons le voir dans cette chronique.
Tout d’abord, replaçons quelque-peu le contexte : adieu Amérique, bonjour Okinawa et l’île d’Hatena-jima, imaginée par l’auteur
OZAWA Takahiro. Exit Tom, Huck et Becky, remplacés par
Chiharu,
Rindō et
Nami, dessinés par
SEO Asako. Ne parlons plus d’un garçon qui fait l’école buissonnière, qui aime l’aventure et
fol amoureux de sa belle mais partons à la découverte de l’histoire d’un Tokyoïte débarquant sur une île reculée, pleine de mystères et de folklore.
Parlons-en, de cette île imaginaire. Elle a été entièrement créée par l’auteur, qui a choisi de la situer dans la région d’Okinawa, au sud du Japon. Le fait qu’elle ne soit pas réelle ne vient en aucun cas altérer la richesse de son univers, celui-ci ayant été habilement intégré au sein de la culture à la fois moderne et traditionnelle d’Okinawa. Il est à noter que l’auteur a, pour cela, effectué de nombreuses recherches qui ont permis d’arriver à un mélange bien équilibré entre les détails réels et imaginaires. C’est d’ailleurs cette balance qui permet une très bonne immersion dans le monde du
Nouveau Tom Sawyer. Les notes laissées ingénieusement tout au long de l’œuvre y contribuent également et nous font nous sentir un peu moins étranger à cette culture aux nombreuses particularités traditionnelles et folkloriques. Viennent s’ajouter à cela le quotidien et les aventures que vivent les héros qui viennent illustrer tout cet amalgame de détails, reflétant l’harmonie qui règne entre le quotidien ordinaire et le folklore de l’île.
L’histoire nous amène à la rencontre de
Chiharu, petit gars de la ville habitué à un confort de vie convenable, qui a choisi l’île d’Hatena-Jima pour pouvoir prendre un nouveau départ. Il se liera d’amitié avec
Rindō, garçon aventureux et dont il est l’exact opposé, et
Nami, l’héritière
tsukasa (l’équivalent d’une prêtresse) au fort caractère. Ils ne sont pas stéréotypés et n’ont pas vocation à l’être, ce sont des jeunes gens changeants. Leurs évolutions sont par ailleurs agréables à observer alors qu’ils vont se retrouver tiraillés entre le folklore et les légendes de l’île, leurs propres croyances et la dure réalité économique et politique. On les voit grandir au travers de leurs découvertes, qu’elles portassent sur l’intégration de
Chiharu parmi les habitants de l’île, sur leurs croyances ou sur leur détermination.
Néanmoins, si le travail réalisé sur les trois jeunes héros est intéressant, celui fait sur les adultes l’est nettement moins. En effet, l‘on tombe assez rapidement sur le cliché paradoxal vacillant entre « La vérité sort de la bouche des enfants » et « Les adultes ne sont que des êtres aveuglés par l’avidité et la cupidité ». Si ces deux partis pris peuvent être crédibles, ils sont amenés assez maladroitement dans l’œuvre. Par ailleurs, l’effet ressenti est assez immédiat : les adultes se retrouvent ainsi presque dénués de toute réflexion, sans caractère, et ce sont les enfants qui ont réponse à tout. Il faut tout de même nuancer ce message car, s’il est très manichéen dans l’œuvre, il n’est pas uniquement négatif. Après tout, nous parlons d’un titre faisant référence à
Tom Sawyer !
D’ailleurs, sans Tom, ni Huck, ni Becky, pourquoi parler d’un Nouveau Tom Sawyer ? Je me suis posée cette question tout au long de l’œuvre, trouvant mes réponses au fil des pages. Les références sont finalement nombreuses et, plus que les situations, ce sont les évolutions des personnages qui les traduisent. Commençons par l’homologue nippon de Tom, j’ai nommé
Chiharu. Il est, à son arrivé, tout le contraire du symbole de la liberté : très pragmatique, il n’a pour référence que son téléphone portable et son confort de Tokyoïte. C’est sa rencontre avec Huc… euh pardon,
Rindō, un jeune homme renfermé sur lui-même, prisonnier du secret de son grand-père mais généreux, qui va particulièrement le changer. Enfin,
Nami, l’homologue de Becky, à la fois contrainte et fière de devenir
tsukasa, viendra rapidement s’ajouter au duo et vivre avec eux leurs aventures. Ces jeunes héros vont ainsi, sans s’en apercevoir, apprendre à ouvrir leur cœur les uns aux autres. Quel est alors le point commun entre ces nouveaux héros des temps modernes et ceux de l’œuvre originale ? La liberté.
S’il n’est pas forcément évident aux premiers abords, c’est pourtant bien le thème abordé et, si Tom (l’original) était le symbole la liberté « innée », à son état pur, naïve et espiègle, ce n’est pas le cas de nos trois héros qui vont, quant à eux, devoir aller à sa découverte, y goûter et l’apprivoiser. C’est là la position prise par
OZAWA et
SEO : permettre à des jeunes dont les quotidiens respectifs sont régulés, dépersonnalisés, déterminés, de découvrir une manière de briser ces limites pour se créer un quotidien qui soit conforme à leurs propres valeurs. Le rôle des adultes est également intéressant : si dans Tom Sawyer ils représentent l’antithèse de la liberté, l’opposé de ce que souhaite être Tom, ils sont, dans ce manga, le symbole d’une liberté emplie de cupidité ou bien renfermée par les responsabilités, soulevant les questions suivantes : La cupidité et l’avidité font-elles de nous des êtres libres et capables de tout ? Les besoins immédiats doivent-ils nous faire renoncer à certains de nos principes de liberté ? C’est autour de ces questions que l’histoire revisitée prend toute son ampleur et son originalité.
Pour résumer,
Le Nouveau Tom Sawyer est très loin d’être un simple remake de l’œuvre originale ou une simple fable écologique. On nous présente un nouvel univers, des nouvelles aventures ainsi que des personnages entiers et à l’évolution intéressante autour du thème de l’œuvre originelle : la liberté. Si ce manga ne se démarque pas par la singularité de son dessin, il reste néanmoins très agréable à lire et immersif, nous présentant une belle facette de la liberté d’aujourd’hui.