Plongée dans la nuit est une série yuri de
Goumoto, autrice publiée pour la première fois en France. Son volume 1 est disponible depuis fin mai aux éditions
Taifu, et la sortie du second est prévue pour le 28 août prochain. Découvrez notre avis sur ce premier tome introductif d'une série tranche de vie qui promet d'être très poétique, autant visuellement que scénaristiquement !
Synopsis :
Tsukiko Yano vient d’être transférée dans un nouveau lycée. Aussi superbe que taciturne, elle n’a que peu d’interactions sociales avec les autres et ne se lie à personne, jusqu’à ce jour où, en rentrant, elle passe devant la piscine de l’école. Elle y rencontre Aya Utsumi, une élève de sa classe à qui elle n’avait jamais fait attention, occupée à nager avec grâce dans le bassin. Fascinée, Tsukiko se rapproche sans le vouloir de cette fille libre et dénuée de tact et apprend à la connaître petit à petit. Elle, dont le monde intérieur n’était que nuit, découvre un nouvel univers fait d’eau et peuplé d’innombrables créatures marines...
-Taifu-
Plongée dans la nuit nous offre une narration posée, assez évasive et aux ellipses fréquentes, où l'on entrevoit plus la relation des deux protagonistes que l'on y assiste vraiment. Cette relation, de façon au départ assez surprenante pour nous, est bien loin de s'apparenter à de l'amour et peut à peine être qualifiée d'amitié tant les lycéennes en savent finalement peu l'une sur l'autre. Et il en va de même pour nous : après un tome entier, on n'a pas l'impression de les connaître tant que ça. Le récit alterne entre les points de vue de l'une et de l'autre, nous apportant ainsi de quoi commencer à comprendre les personnages étant donné que
Goumoto ne s'épanche pas vraiment en longs dialogues. Ce qui est sûr, c'est que cette série prend son temps pour mettre en place son univers, ses personnages et leur relation, et le fait avec brio.
Mais ce qui nous aide le plus à nous plonger dans leurs sentiments et à cerner leurs états d'âme, c'est la métaphore maritime présente tout au long du récit, qui nous retranscrit notamment ce qui se passe dans la tête de Tsukiko. Les créatures marines présentes varient en fonction de ses émotions, créant une palette variée d'animaux marins allant des carpes aux méduses en passant par des squelettes de poissons pour exprimer des émotions plus négatives. En plus de ça, l'eau elle aussi s'agite, et on l'observe tantôt très calme, tantôt changée en un véritable raz-de-marée submergeant notre héroïne, qui vient d'ailleurs compléter cette allégorie lyrique en y incarnant la petite sirène. Parfois contradictoires, toujours très symboliques, ces représentations nous laissent admiratifs tant par leur maîtrise technique que par leur sens et la profondeur qu'elles ajoutent au scénario.
En plus de nous permettre d'apprécier la dimension émotionnelle du récit, cette métaphore permet à l'autrice de nous offrir des planches sublimes, très détaillées en réalisme, à la mise en scène maîtrisée qui donne parfois l'impression d'observer un tableau plus qu'une page de manga. Cette narration imagée a quelque chose qui peut nous rappeler le style de certains autres mangakas - la variété des allégories en moins peut-être.
Le trait de
Goumoto, de façon plus globale, est très expressif et étrangement harmonieux malgré un dessin très opposé des yeux des protagonistes, auxquels l'autrice porte d'ailleurs une grande attention. Ceux-ci influencent beaucoup la façon dont nous percevons les personnages, et leur donnent à chacune leur propre style. Leur chara-design est ainsi une totale réussite, et on se retrouve convaincus autant par la beauté froide de Tsukiko que par l'apparence plus enjouée de Aya, qui nous la rend d'ailleurs un peu plus attachante. Le coup de crayon de la mangaka s'avère finalement plus expressif que ce à quoi je m'attendais, même du côté de Tsukiko, qui a pourtant du mal à extérioriser ses émotions. En somme,
Plongée dans la nuit est un véritable régal visuel : c'est beau, c'est poétique, et
Goumoto parvient à créer une ambiance tout à fait propice à la complexité sentimentale de l'histoire.
Tsukiko, la "fleur inaccessible" jalousée par les unes et courtisée par les autres ; Aya, la passionnée de natation qui manque trop de tact pour parvenir à se faire réellement apprécier : toutes deux vont nouer une relation complexe, entre amitié et indifférence, et au-delà des aprioris.
Plongée dans la nuit, c'est la rencontre des deux mondes de ces jeunes lycéennes, spéciales chacune à leur façon. Si les choses sont censées être simples en apparence justement parce qu'elles ne sont pas proches, elles vont se complexifier au fur et à mesure que l'histoire avance et qu'elles passent du temps ensemble au point de voir naître des rumeurs à leur sujet. Pour autant, il n'est jamais là question de sentiments ; d'intérêt pour l'autre, dans une certaine mesure, mais d'amour clairement pas. Toutes deux s'avèrent en fait être peu douées pour "parler aux gens", l'une étant trop froide, l'autre trop directe, et de cela va forcément naître des incompréhensions entre elles. Une certaine beauté émane néanmoins de la pureté de leur relation, et du sentiment de liberté que dégage Aya, qui va déteindre sur sa camarade de la plus positive des façons.
Avec une œuvre aussi esthétique que
Plongée dans la nuit, tout peut devenir poétique, même la plus banale des conversations. Si l'histoire d'amour à proprement parler n'en est même pas à ses prémices, ce tome purement platonique est pourtant une grande réussite tant visuelle que scénaristique. Tsukiko plonge la tête la première dans l'univers sous-marin de Aya et nous emmène avec elle parcourir les représentations allégoriques de ses propres sentiments. La jeune nageuse, quant à elle, semble dissiper la nuit entourant Tsukiko par sa douce lumière, et a l'air de vouloir construire une amitié solide entre elles. Mais Tsukiko sera-t-elle prête à accepter un réel rapprochement ? Cette amitié finira-t-elle par évoluer vers autre chose ? Réponse dans le prochain tome, qui sortira à la fin du mois chez
Taifu ! Pour le moment, on navigue en eaux troubles....