Du 15 au 30 juin 2020 a eu lieu le festival international du film d’animation d’Annecy Online. Bien que, comme chaque année, un grand nombre d’œuvres de cultures et de nationalités différentes aient été sélectionnés, la grande particularité de cette édition réside dans le fait qu’elle se soit déroulée en ligne. En effet, suite à la pandémie de Covid-19, la mise en place physique du festival à été reportée à 2021 et les œuvres de cette année ont été présentées via une plateforme en ligne.
Le festival international du film d’animation d’Annecy sélectionne ainsi depuis 1960, et comme son nom l’indique, des œuvres animées du monde entier pour leur décerner un prix, le Cristal. Avec les années, les techniques et la technologie évoluent, et comme l’édition de cette année nous le prouve, le festival a su s’adapter afin de proposer diverses catégories et élargir son palmarès. D’abord organisé en marge du festival de Cannes, le festival d’Annecy s’est démarqué par cette volonté de promouvoir le cinéma d’animation. Ainsi, en 2017, on compte 500 films projetés pour 83 nations représentées. Du long métrage à la réalité virtuelle, les productions concourent pour remporter le prix ou la mention du jury.
En ce qui concerne l'animation japonaise, qui est le cœur du festival pour les passionnés d'otakulture, on retrouve cette année cinq productions japonaises, dont une japo-indonésienne. Aucune réalisation n'a été sélectionnée pour les courts métrages, et c’est donc dans les catégories long métrage et contrechamp que le drapeau au soleil levant est présent. La catégorie contrechamp, incluant longs et courts métrages, est une sélection compétitive qui, depuis l’année dernière, met en lumière des premiers films ou des productions atypiques.
Il est étonnant de ne pas retrouver une production telle que Les Enfants du Temps de SHINKAI Makoto, auteur et scénariste du célébrissime Your Name. Le Cristal du long métrage est décerné à une collaboration franco-danoise, Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary de Rémi CHAYÉ, qui retrace la vie de Calamity Jane. A ce titre ont concouru deux films japonais. D'abord 7 Jours, réalisé par MURANO Yūta, représente à merveille le style habituel de nos séries animées favorites et dont l'histoire touche dans le vif les problèmes de nos sociétés modernes. Puis Lupin III: The First, réalisé par YAMAZAKI Takashi, s’illustre par une animation 3D maîtrisée et son ambiance d’intrigue épique rappelant son ancêtre cher à notre culture littéraire. Le jury pour cette sélection de longs métrages, exclusivement francophone, n’avait visiblement pas notre âme otaku, bien que rien n'aurait pu enlever son prix bien mérité à la production franco-danoise.
Un jury à l’oreille affûtée puisque On Gaku, Notre Rock réalisé par IWAISAWA Kenji ne décrochera pas le prix Contrechamp pour lequel il concourt, mais le Prix de la meilleure musique originale, avec le soutien de la SACEM, dans la catégorie long métrage. Ce film animé à l’allure si particulière, qui mérite amplement sa place dans la sélection contrechamp, a, pour un film qui aborde la musique, su se faire apprécier du jury. C’est une réussite pour l’auteur, mais aussi pour les personnages de l’œuvre, ces jeunes voulant sortir d’un quotidien qui les aspire grâce à la musique et qui, malgré les regards et les jugements, ont su bercer bien plus que leur public fictif.
Toujours dans les longs métrages contrechamps, le Japon s’est allié à l’Indonésie pour être sélectionné sur le thème de la Corée du Nord avec True North réalisé par HAN SHIMIZU Eiji. En effet, ce film d’animation 3D entièrement réalisé par ordinateur propose une immixtion dans un camp de travail forcé de l'un des pays les plus reclus du monde. A l’image du discours qu’entreprend le jeune homme survivant au début du film, le message se veut universel et s'adresse autant à son auditoire fictif qu'aux spectateurs du film. C’est toutefois My Favorite War de Ilze BURKOVSKA JACOBSEN, biographie de son réalisateur letton, qui a obtenu le prix Contrechamp.
Une dernière production assez spéciale, mais néanmoins touchante, The Balloon Catcher, réalisé par KANEKO Isaku, réside parmi la multitude des films de fin d’étude. Ce projet réalisé sur papier est une version plus profonde et plus imagée du vilain petit canard. Victime de préjugés, un homme à tête de hache est accusé à tort du meurtre d’un homme ballon dans un monde où tout le monde est un ballon. Si cette histoire n’est pas non plus parvenue à décrocher le Cristal de sa catégorie, elle a le mérite de mettre en exergue un phénomène toujours trop présent au Japon, société sur laquelle pèse une haute exigence d’uniformité, où la différence, encore aujourd'hui, étonne et exclut.
Ce festival, bien que se déroulant en ligne, fut l’occasion de diffuser un patrimoine culturel international, alors que l’heure était au repli. L’initiative de maintenir le festival en ligne est un bon exemple des ressources dont dispose l’humanité pour produire et créer. La culture doit selon moi être étalée et diffusée au plus grand nombre, et les productions japonaises chères à notre icotakulture ont su être diffusées avec brio. Bien que celles-ci n’aient pas été récompensées, la sélection de ces œuvres est un pas supplémentaire vers une universalisation des médias tels que le manga et les animes. Remercions le comité de sélection et le jury pour leur service rendu à la communauté otaku en participant à la diffusion de ces médias !