Les ingrédients d’un « shonen » fleuve sont assez classiques : des adolescents en quête d’aventure, de l’action, du panache, de l’humour, une histoire qui traîne en longueur et une bonne dose d’héroïsme.
Fairy Tail les réunit tous. On a même le droit au héros un peu benêt et à son adjuvante ! Par contre, comme tout chef, MASHIMA Hiro, a su ajouter son grain de sel, sa « touch ». Le thème de la magie est exploité au possible, ce qui n’a pas manqué de piquer et de maintenir ma curiosité tout au long de la série.
Malheureusement, tout n’est pas parfait. Dans cette chronique, nous survolerons plusieurs thématiques qui, réunies, amènent à se demander comment l’adaptation animée de ce shonen fleuve peut contenir autant de contradictions tout en restant crédible.
Note : Cette chronique porte sur l'adaptation animée du manga et plus précisément sur la saison 1 et la saison 2 (avant Fairy Tail Zero).
Bienvenue dans un monde peuplé de mages, de non-mages, de créatures magiques et de mythes. On entre dans l’histoire de la guilde de mages Fairy Tail, réputée comme étant la plus puissante du pays. Parmi ses membres, nous retrouvons Natsu Dragnir, un mage chasseur de dragons de feu et son fidèle acolyte Happy, un chat bleu ailé qui parle. Ils feront rapidement la rencontre de Lucy Heartfilia, une magicienne constellationniste (appel aux esprits), qui vient intégrer la guilde avec un objectif précis en tête.
Comme dans la majorité des shônen fleuve, on nous présente toute une floppée de personnages plus ou moins intéressants. On retiendra tout de même le « groupe de tête » : Natsu, Grey, Lucy, Erza et Wendy. Chacun d’entre eux a sa part d’ombre et, surtout, un passé tumultueux qui s’intègre à point nommé dans l’histoire générale. Bref, nos héros ne sont pas de simples archétypes sortis de la Lumière, mais connaissent aussi la tristesse, les regrets ou encore la torture. L’ensemble leur donne de la profondeur, malgré leur nombre et, surtout, de l’humanité. Ces mêmes atrocités servent aussi à donner de l’ampleur aux propos des personnages qui visent toujours l’avenir. Au top.
Natsu et Happy, amis de toujours ©MASHIMA Hiro, ©A-1 Pictures, ©Satelight
Où se trouve donc la contradiction ? Tout simplement dans l’écriture des personnages féminins. C’est à n’en plus savoir si MASHIMA Hiro est un féministe ou juste un gros pervers. En effet, si les meilleurs mages de la série sont des femmes (coucou Erza et Mirajane), il n’est pas rare de les voir dévêtues pour zéro raison. C’est ainsi que, au hasard, un combat de tournoi mythique se transforme en un concours de bikini… Au secours ! Ces héroïnes ont même les OST les plus badass, les magies les plus créatives… Pourquoi les faire devenir objet tout à coup ? Pourquoi s’obstiner à déchirer leurs vêtements ou à les faire apparaître en culottes pendant les combats ? Même les tenues de Natsu - trouvées parfois on ne sait où - sont ignifugées ! Tant mieux pour le fanservice, tant pis pour la crédibilité de ces femmes fortes.
La conquête de liberté d'Erza ©MASHIMA Hiro, ©A-1 Pictures, ©Satelight
On retrouve cette contradiction dans l’utilisation de certains tropes*, notamment pour mettre en relief une évolution marquante d’un personnage. Ils sont généralement bien dosés : ils tiennent en haleine, surprennent ou satisfont le public. Ils servent même à faire passer des énormités au niveau du scénario. Le meilleur moyen d’illustrer mon propos reste encore l’exemple. Prenons Wendy : jeune fille, avec un rôle de support assumé. Pour marquer son émancipation tant attendue, MASHIMA Hiro utilise le trope de la coupe de cheveux. Malgré sa surutilisation dans les animes (avec Monogatari Series en champion), il est parfait dans son exécution, on y croit et ça nous arrache même un battement de cœur. Alors pourquoi, mais pourquoi, lui faire des rajouts (littéralement) à la fin de l’arc ? L’idée et l’action en sont brisées. Bref, l’idée est répétée à plusieurs niveaux de l’histoire et c’est dommage.
Wendy et son innocence ©MASHIMA Hiro, ©A-1 Pictures, ©Satelight
Mais ce n’est pas encore le plus gênant. Fairy Tail, c’est avant tout un univers, réduit à un pays que l’on n’arrête jamais de découvrir. Les propos sont intéressants, les interactions travaillées, les hiérarchies plausibles. Les principes sur lesquels reposent la magie sont on ne peut plus classiques, mais ils ont le mérite d’être constants. De même, les possibilités qu’ils offrent et leurs évolutions n’ont que pour seule limite la créativité sans bornes de MASHIMA Hiro. Le bestiaire, bien que peu exhaustif, est original et s’ancre dans cet univers coloré et festif. Bref, les points positifs sont nombreux. Par contre… Le rythme ! La version animée de Fairy Tail manque de rythme. Ce n’est pourtant pas lent. Ni trop rapide. C’est juste très disharmonieux. Alors qu’on arrive à un climax (point culminant d’émotion, instant où il va se passer un truc énorme), la réalisation n’hésite pas à nous infliger un flashback sorti de nulle part, sans lien avec l’action immédiate, ou bien à changer complètement de combat. Pire encore, des gags débarquent au milieu de scènes importantes. Bien dosées, ces ficelles permettent de créer du suspens, de l’émotion. Là, c’est l’effet soufflé sorti trop tôt du four. Encore une fois, dommage. Parce que toutes les intentions sont bonnes mais on perd en crédibilité pendant ces précieux instants.
Attaque finale en trois temps ©MASHIMA Hiro, ©A-1 Pictures, ©Satelight
Cette disharmonie est d’autant plus frustrante que MASHIMA Hiro arrive à rendre crédible un tas de plot-twists complètement improbables. Du voyage dans le temps à l’apparition d’un fantôme, en passant par les derniers instants du combat d’Erza contre Kyōka, il arrive à tout nous faire avaler. Sa force, c’est de toujours trouver un liant minimal, discret, mais toujours crédible. Et quand on pense à la quantité de contradictions présentes dans la construction de la série, c’est un tour de maître.
Le gros point fort de la version animée reste la bande-son. Composée par TAKANASHI Yasuharu, elle compense tous les manquements de rythme de la série. C’est juste incroyable à quel point il arrive à nous replonger dans l’action lorsque celle-ci a été brisé. Son seul défaut serait son utilisation quelque-peu abusive et rend la lecture des combats ou de certaines situations trop évidente : on en vient à deviner quand est-ce que les retournements de situation auront lieu ou même la fin du combat. Ce léger déséquilibre n’entache en rien sa qualité et l’énergie qu’elle transmet (en plus, elle est disponible légalement sur Spotify).
Badass Titania is Badass ©MASHIMA Hiro, ©A-1 Pictures, ©Satelight
Dans son ensemble, Fairy Tail est un shonen fleuve avec un potentiel de dingue, mais dont le résultat n’arrive pas toujours à aboutir. On apprécie l’univers coloré, qui trouve son équilibre entre l’insouciance et la maturité. Les points « dommage » n’ont pas réussi à me faire abandonner la série, mais ils risquent tout de même d’en rebuter pas mal. À mon goût, la « faute » reste l’utilisation abusive du fanservice concernant les femmes, alors même qu’elles sont puissantes et héroïques. En dehors de cela, l’exploitation du domaine de la magie est si riche que Fairy Tail saura combler tout manque d’action et de fantasy. Bien sûr, on pourrait s'étendre en longueur sur la série tant le nombre de sujets à explorer est vaste.
Et vous, votre avis ? ;)
La série est disponible en streaming sur Anime Digital Network, Netflix et Wakanim.
Elle est disponible en format physique aux éditions Kana.
*trope : figure consistant à employer un mot ou une action afin d'illustrer un propos, un peu à la manière d'une métaphore.