C'est avec une émotion particulière que le monde de la bande dessinée apprend aujourd'hui la disparition d'une figure majeure du manga contemporain. Voici un hommage à cette artiste dont le silence, tant dans ses œuvres que dans l'annonce de son décès, aura marqué les esprits.
C'est un secret resté gardé par sa famille pendant une année entière : la mangaka
Kiriko Nananan nous a quittés le
25 décembre 2024, à l'âge de
52 ans. Bien que son décès remonte à un an jour pour jour, l'information n'a été rendue publique que très récemment, respectant ainsi la pudeur et l'intimité de ses proches.
Née en 1972, elle laisse derrière elle une œuvre d'une pureté rare, qui a profondément marqué les lecteurs français, notamment grâce au travail de
Frédéric Boilet et des éditions
Casterman.
🖋️ Une révolution esthétique : De Kyoko Okazaki à la "Nouvelle Manga"
La carrière de Kiriko Nananan bascule lorsqu'elle découvre
Pink de
Kyoko Okazaki. Ce fut un choc libérateur : elle comprit qu'une femme pouvait s'affranchir des codes rigides du
shôjo traditionnel pour explorer une narration adulte, libre et sans concession.
Ses débuts dans la mythique revue d'avant-garde
Garo en 1993 lui permettent de forger un style immédiatement reconnaissable :
- Un minimalisme radical : Chaque case est une composition graphique proche de l'affiche.
- L'usage du vide : Le blanc n'est pas une absence, mais une matière expressive capable de traduire la solitude ou le trouble amoureux.
- Une précision architecturale : Le placement des regards et des textes est pensé au millimètre près.
Elle devint ainsi l'une des égrugées du mouvement
"Nouvelle Manga", jetant un pont entre la sensibilité japonaise et l'approche de la bande dessinée d'auteur franco-belge.
🌊 Blue : Le chef-d'œuvre de l'intime
En France, c'est avec
Blue (publié en 2004 dans la collection Sakka) que le public découvre son génie. Ce récit, adapté au cinéma en 2001, explore l'ambiguïté des sentiments adolescents avec une justesse bouleversante.
Kiriko Nananan avait une méthode de travail unique et exigeante : elle travaillait seule, sans aucun assistant. Elle préférait retoucher ses planches des dizaines de fois pour atteindre la perfection émotionnelle plutôt que de se plier aux rythmes effrénés de l'industrie du manga.
📚 Un héritage précieux en librairie
Récompensée en 2008 par le prix de l'EESI et honorée par une exposition à Angoulême en 2009, elle laisse une bibliographie riche, majoritairement disponible chez Casterman :
- Everyday (2005)
- Strawberry Shortcakes (2006)
- Amours blessantes & Rouge Bonbon (2008)
- Water (2009)
- Fragments d’amour (2010)
Kiriko Nananan ne dessinait pas seulement des histoires ; elle dessinait les silences et les failles de l'âme humaine. Son œuvre, intemporelle, continuera de résonner longtemps après elle.